Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/220

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veuve sans enfants, elle étoit de la maison de La Trémoille ; son mari étoit chef de la maison des Ursins, grand d’Espagne et prince du Soglio, et, par son âge plus avancé que celui du connétable Colonne, il étoit reconnu le premier laïque de Rome avec de grandes distinctions. Mme des Ursins n’étoit pas riche depuis la mort de son mari ; elle avoit passé des temps assez longs en France pour être fort connue à la cour et y avoir des amis. Elle étoit liée d’un grand commerce d’amitié avec les deux duchesses de Savoie, et avec la reine de Portugal sœur de la douairière. C’étoit le cardinal d’Estrées, leur parent proche et leur conseil, qui avoit formé cette union ; que les passages à Turin avoient fort entretenue, avec Mmes de Savoie ; enfin ce cardinal qui avoit fait sa fortune en la mariant aussi grandement à Rome où elle étoit veuve de Chalois, sans bien, sans enfants et comme sans être, étoit demeuré depuis ce temps-là son ami intime après lui avoir été quelque chose de plus en leur jeunesse, conseilla fort ce choix, et ce qui y détermina peut-être tout à fait, c’est qu’on fut informé par lui que le cardinal Portocarrero en avoit été fort amoureux à Rome, et qu’il en étoit demeuré depuis une grande liaison d’amitié entre eux.

C’étoit avec lui qu’il falloit tout gouverner, et ce concert si heureusement trouvé entre lui et elle emporta son choix pour une place si importante, et d’un rapport si nécessaire et si continuel avec lui.

Elle étoit fille du marquis de Noirmoutiers qui fit tant d’intrigues dans les troubles de la minorité de Louis XIV, et qui en tira un brevet de duc et le gouvernement de Charleville et du Mont-Olympe. Sa mère étoit une Aubry, d’une famille riche de Paris. Elle épousa en 1659 Adrien-Blaise de Talleyrand, qui se faisoit appeler le prince de Chalois, mais sans rang ni prétention quelconque. Son fameux duel avec un cadet de Noirmoutiers, Flamarens et le frère aîné de M. de Montespan contre Argenlieu, les deux La Frette, et le chevalier de Saint-Aignan, frère du duc de Beauvilliers, obligea