Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/231

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Les deux principales couronnes des Espagnes, la Castille et l’Aragon, qui peu à peu s’étoient réuni les autres, s’unirent entre elles par le mariage de Ferdinand et d’Isabelle, et se confondirent dans leur successeur pour n’être plus séparées que par certaines lois, usages et privilèges propres à chacune d’elles. Ce sont ces deux époux qui, apportant chacun leur couronne, en conservèrent le domaine et toute l’administration indépendamment l’un de l’autre, et qui de là furent indistinctement appelés les rois, nonobstant la différence de sexe, ce qui a passé depuis eux jusqu’à nous dans l’usage espagnol pour dire ensemble le roi et la reine régnants, et qui enfin ne sont guère plus connus dans les histoires par leurs propres noms, et même dans le langage ordinaire, que par celui de rois catholiques, que Ferdinand obtint à bon marché des papes, et transmit à ses successeurs jusqu’à aujourd’hui, moins par la conquête de tout ce qu’il restoit aux Maures dans le continent des Espagnes, que par la proscription des juifs, la réception de l’inquisition, le don des papes, qu’il reconnut, des Indes et des royaumes de Naples et de Navarre, avec aussi peu de droit à eux de les conférer, qu’à lui de les occuper par adresse et par force.

Devenu veuf d’Isabelle, il eut besoin de toute son industrie pour éluder l’effet du peu d’affection qu’il s’étoit concilié. L’Aragon et tout ce qui y étoit annexé avoit des lois qui tempéroient beaucoup la puissance monarchique et en vouloit reprendre tous les usages, que l’union du sceptre de Castille avec le sien avoit affaiblis en beaucoup de façons. La Castille avec ses dépendances ne reconnoissoit plus guère Ferdinand que par cérémonie et par vénération pour son Isabelle qui l’avoit fait régent par son testament, et tous ne respiroient qu’après l’arrivée de Philippe Ier, dit le Beau, fils de l’empereur Maximilien lei et mari de la fille aînée des rois catholiques, à qui la tête avoit commencé à tourner d’amour et de jalousie de ce prince, et à laquelle la Castille