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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/310

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peu des grands. Leurs grandesses pour la transmission ni pour le jugement, si contestation arrive, ni leurs personnes, si elles se trouvent prévenues de crime, n’ont aucune distinction dans la forme de les juger du moindre héritage ni du moindre particulier. Tout se réduit pour la seule personne des grands à ne pouvoir être arrêtée que par un ordre du roi, après quoi plus de distinction dans tout le reste ; et jamais en Espagne il n’a été mention d’être jugé par ses pairs, c’est-à-dire par ses égaux, ce qui, en matière de pairie ou de crime d’un pair, subsiste encore pour les pairs de France.

En voilà sans doute assez pour démontrer la différence entière des pairs de France d’aujourd’hui et des grands d’Espagne, et combien il y auroit peu de justesse de comparer, sous prétexte de convenance, les grands de la première classe avec les pairs.

Si du fond de la substance de la dignité et de son antiquité transmise jusqu’à nous, on passe à son inhérence et à sa stabilité, on est extrêmement surpris de n’en trouver aucune dans la grandesse, et de la voir non seulement suspendue à chaque mutation, même de père à fils dans toutes celles, qui ne sont pas de la première classe, du propre aveu de ces grands, mais suspendue encore par le délai ou le refus de la, couverture, tant qu’il plaît au roi, pour toutes les trois classes, et toutes les trois amovibles, et pour toujours, à la volonté du roi, sans forme aucune, sans crime, sans accusation, sans même de prétexte. On ne sauroit nier qu’une dignité aussi en l’air, autant dans la main du roi, et d’une manière si absolue et si totalement dépendante, ne soit fort différente de celles dont l’état est déterminé, fixe, stable, certain à toujours, et qui, une fois accordées, n’ont plus besoin de nouvelles grâces, et ne puissent être ôtées qu’avec la vie, pour crime capital, et avec les formes les plus solennelles.

Il est difficile de n’être pas blessé d’un tribut imposé à