Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/314

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tous les États de l’Europe, a refusé avec persévérance jusqu’à aujourd’hui tout rang aux princes étrangers. La seule France les y a établis, et leur a laissé peu à peu usurper toutes sortes d’avantages ; ils s’y sont d’abord introduits sans y en prétendre aucun. Après ils ont ambitionné la pairie. Ils en ont obtenu après tant qu’ils ont pu. Ils en ont fait valoir les prérogatives. Devenus puissants, ils ont formé la ligue à la faveur de laquelle ils ont empiété par degrés, laquelle auroit dû donner des leçons à n’être pas oubliées. Bien des événements les ont depuis rafraîchies, mais tout le fruit n’a été que d’augmenter les usurpations en y associant des branches de maisons de gentilshommes françois, de peur de manquer de princes étrangers vrais ou faux. Il est vrai qu’en nul lieu ces derniers n’ont précédé les ducs ; il est vrai encore que les princes étrangers véritables ne les précèdent encore nulle part, si ce n’est dans l’ordre du Saint-Esprit, contre les premiers statuts et le premier exemple de la première promotion que la puissance de la Ligue fit réformer en deux fois, et que d’étranges causes ont maintenu sans décision, mais en continuant l’usage. Il est vrai de plus que ceux-là mêmes, quand ils sont pairs, suivent leur rang d’ancienneté en tous actes de pairie. Il est donc vrai qu’ils cèdent aux pairs, et qu’ils ne les précèdent jamais, excepté dans l’ordre, de la façon que je viens de le dire. Cela suffit pour montrer qu’il n’en était pas ainsi avant le dernier siècle ; qu’il y avoit déjà des ducs gentilshommes, et que ce qui s’est introduit depuis n’est qu’usurpation qui laisse la dignité entière. Mais il faut convenir que la multitude des usurpations, des distinctions, et de ceux qui en jouissent, l’éclat et les avantages qu’ils en retirent, la lutte de préséance qu’ils entretiennent à la cour sur des gens qui s’en lassent et qui n’ont jamais su s’entendre ni se soutenir, est la chose qui donne le plus spécieux prétexte aux grands d’Espagne, chez lesquels ces princes n’ont aucun honneur, aucun rang, aucun établissement, et qui, s’ils s’attachent