Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/326

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qui s’en est fait est extrêmement étrange. Lorsque le feu roi et le roi son petit-fils sont convenus de cette parité, il est manifeste qu’ils n’ont entendu qu’une fraternité des grands des deux royaumes pour cimenter mieux celle des deux nations. Au lieu de s’en tenir à un règlement si raisonnable et si commode pour les ducs et les grands qui vont en Espagne ou viennent en France, on en a fait des grands d’Espagne françois et en France : d’abord une reconnoissance digne du roi d’Espagne pour le duc de Beauvilliers son gouverneur ; après, le crédit des Noailles et du cardinal d’Estrées, aidé de l’amusement que prenoit le roi des enfances de la comtesse d’Estrées, dans la familiarité des particuliers, des dames du palais, trouve le chausse-pied du passage du roi d’Espagne de Barcelone en Italie sur une escadre commandée par le comte d’Estrées pour le faire faire grand d’Espagne, sans qu’il y ait eu soupçon seulement de la moindre opposition à ce passage. En France, il ne faut que des exemples : sur ceux-là un voyage du comte de Tessé en Espagne, où ses succès furent nuls à l’armée, avec le manège qui l’a si bien servi dans les cours, lui procurèrent la grandesse. Je ne parle point du duc de Berwick, qui, par la bataille d’Almanza, rétablit la couronne sur la tête du roi d’Espagne : c’est en Espagne que les terres de sa grandesse sont situées, et c’est en Espagne que les grands de sa postérité se sont fixés. Trois ou quatre seigneurs flamands, grands d’Espagne, dont les pères ni eux-mêmes n’étoient jamais sortis des Pays-Bas ou d’Espagne, se viennent fixer à Paris, trouvent plus agréable d’y jouir du premier rang de l’État et de s’y établir que de demeurer chez eux. Le duc de Noailles, neveu de Mme de Maintenon, va en Espagne et y est fait grand tout de suite, puis revient disgracié des deux cours, et, longues années après, fait passer sa grandesse à son second fils, à quoi d’abord il n’avoit pas songé ; ainsi, en deux voyages courts, la Toison au premier, la grandesse en l’autre. M. de Chalois, neveu