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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/327

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du premier mari de Mme des Ursins, sans aucun service en France, se dévoue à elle, et est employé en d’étranges commissions, dont la grandesse est la récompense, malgré le feu roi, qui, loin de lui permettre de l’accepter, s’en irrita jusqu’à déclarer qu’il ne souffriroit jamais qu’il en eût le rang ni les honneurs en France. Croiroit-on, après ses aventures à l’égard de M. le duc d’Orléans, et l’éclat entre ce prince et Mme des Ursins, que ce fut ce prince qui, dans sa régence, lui permit de revenir en France et d’y jouir du rang et des honneurs ? J’avoue que, voyant tant d’abus, je crus en pouvoir profiter comme les autres, mais sans dissimuler à M. le duc d’Orléans combien je les désapprouvois.

J’ose dire que si, après les grandesses de MM. de Beauvilliers et de Berwick, il y en a une pardonnable, c’est celle qui me fut donnée à l’occasion de mon ambassade extraordinaire pour demander, conclure et signer le mariage du roi avec l’infante.

De là Mme de Ventadour, qui fut sa gouvernante, obtint une grandesse pour le comte de La Mothe, qu’on avoit mis à même d’être fait maréchal de France, et que son incapacité en repoussa toujours, qui de sa vie n’avoit servi l’Espagne, et qui étoit parfaitement éloigné de devenir duc. Le mariage arrêté de l’infant avec une fille de M. le duc d’Orléans fit le grand prieur de France, son bâtard reconnu, grand d’Espagne. Cette élévation donna de l’émulation à l’électeur de Bavière pour le sien, attaché au service de France. Il fit si bien valoir tout ce que lui avoit coûté son attachement au service des deux couronnes, et l’honneur qu’il avoit d’être frère de Mme la Dauphine, mère du roi d’Espagne, que le comte de Bavière fut fait grand. Le maréchal de Villars n’avoit jamais servi le roi d’Espagne, ni approché de ses frontières ; la Toison ne laissa pas de lui être envoyée, à la surprise du feu roi et de tout le monde.

Pendant la régence, la grandesse lui plut de même, sans qu’en France ni en Espagne on ait jamais su pourquoi.