Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/370

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santé m’obligent à quitter son service, dont je ne pouvois me consoler que par une assiduité auprès de sa personne, qui me procureroit l’honneur de la voir, et de lui faire ma cour plus continuellement. Ma lettre fut approuvée, et le mardi de la semaine sainte, je la lui présentai moi-même à la porte de son cabinet, comme il y rentroit de la messe. J’allai de là chez Chamillart, que je ne connoissois point du tout. Il sortoit pour aller au conseil. Je lui fis de bouche le même compliment, sans le mêler de rien qui pût sentir le mécontentement, et tout de suite je m’en allai à Paris.

J’avois mis gens de plusieurs sortes en campagne, hommes et femmes de mes amis, pour être informé de ce qu’il échapperoit au roi, où que ce fût, sur ma lettre. Je demeurai huit jours à Paris, et ne retournai à Versailles que le mardi de Pâques. Je sus du chancelier que, le conseil appelé et entrant le mardi saint dans le cabinet du roi, qu’il lisoit ma lettre et qu’il appela aussitôt après Chamillart, auquel il parla un moment en particulier. Je sus d’ailleurs qu’il lui avoit dit avec émotion : « Eh bien ! monsieur, voilà encore un homme qui nous quitte, » et que tout de suite il, lui avoit raconté ma lettre mot pour mot. D’ailleurs, je n’appris point qu’il lui fût rien échappé. Ce mardi de Pâques, je reparus devant lui, pour la première fois depuis ma lettre, à la sortie de son souper. J’aurois honte de dire la bagatelle que je vais raconter si dans la circonstance elle ne servoit à le caractériser.

Quoique le lieu où il se déshabilloit fût fort éclairé, l’aumônier de jour, qui tenoit, à sa prière du soir, un bougeoir allumé, le rendoit après au premier valet de chambre, qui le portoit devant le roi venant à son fauteuil. Il jetoit un coup d’œil tout autour, et nommoit tout haut un de ceux qui y étoient, à qui le premier valet de chambre donnoit le bougeoir. C’étoit une distinction et une faveur qui se comptoit, tant le roi avoit l’art de donner l’être à des riens.Il ne le