Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/403

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cas particulier. Il avoit beaucoup d’amis, et il s’étoit acquis une considération personnelle fort distinguée de la médiocrité du caractère dont il étoit revêtu. Il entendoit parfaitement les intérêts divers de l’Europe ; il en connoissoit les cours et les intrigues, sans avoir bougé d’ici, et nos ministres lui parloient volontiers confidemment en particulier. C’étoit d’ailleurs un homme droit, fort à sa place, plein d’honneur, et, sans qu’il y parût, d’une grande piété depuis grand nombre d’années. Ce fut le dernier des amis particuliers de mon père, que je cultivai tous jusqu’à leur mort avec grand soin, et que je regrettai beaucoup.

Le roi fit une perte en la mort du célèbre Jean Bart, qui, a si longtemps et si glorieusement fait parler de lui à la mer, qu’il n’est pas besoin que je le fasse connoître. Sa Majesté en fit une autre en la personne du bonhomme La Freselière, lieutenant général et lieutenant général de l’artillerie. J’en ai parlé ailleurs : il servoit encore à quatre-vingts ans avec la vigilance d’un jeune homme et une capacité très distinguée. C’étoit d’ailleurs un homme plein d’honneur et de valeur, modeste et très homme de bien. Jeunes et vieux le respectoient à l’armée, et il étoit si aimable qu’il avoit toujours chez lui la meilleure compagnie de tous âges : c’est un rare éloge à quatre-vingts ans.

Un homme de meilleure maison, et d’une situation bien singulière, mourut aussi en même temps chez lui en Bourgogne, le marquis de Thianges, du nom de Damas, dont le père étoit chevalier de l’ordre. Il avoit épousé, en 1655, la fille aînée du premier duc de Mortemart, sœur du maréchal duc de Vivonne, de Mme de Montespan, qui ne fut mariée qu’en 1663, et de l’abbesse de Fontevrault. Je réserve ailleurs à parler de cette famille, pour n’avoir rien à rappeler. Il suffira ici de dire qu’ayant eu de son mariage un fils et la duchesse de Nevers, sa femme l’abandonna pour s’attacher à la honteuse faveur de sa saur, dont elle partagea au moins l’autorité et la confiance sans que leur intimité en