Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/378

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offrir pour sa protection le même tribut que payoient à la Porte son bisaïeul et son grand-père en la même qualité. Ils se rendirent depuis maîtres d’Eperiez et de Cassovie, et de cent quarante pièces de canon qu’ils y trouvèrent ; il y avoit déjà du temps que des Alleurs étoit secrètement, de la part du roi, auprès de Ragotzi, à qui il donnoit trois mille pistoles par mois. Il envoya en ce temps-ci un officier de confiance à l’électeur de Bavière à Bruxelles, qui le renvoya au roi. Ragotzi vouloit quelque augmentation et moins de secret dans la protection du roi pour se donner plus de crédit et à son armée plus de confiance. La vérité étoit que personne ne doutoit en Europe qu’il ne fait soutenu par la France, quelque obscurément qu’elle le fît. Ils prirent bientôt après Neuhausel, et obligèrent ensuite le général Heister de se hâter de se retirer devant eux.

L’empereur cependant fit à l’électrice de Bavière des propositions si étranges qu’elle ne les voulut pas écouter. Les Impériaux trouvant plus de difficultés qu’ils ne pensoient à leur conquête, la cour de Vienne changea de ton sans changer de volonté, et conclut un accommodement par lequel il fut convenu que l’électrice retireroit toutes ses troupes des places du Danube, et qu’elle demeureroit dans la paisible possession de la Bavière, qui ne payeroit aucune contribution ; mais elle ne fut obéie qu’à Passau ; les gouverneurs d’Ingolstadt, Brunau et Kufstein s’excusèrent sur leur serment à l’électeur, sans un ordre duquel, signé de sa main, ils ne sortiroient pas de leurs places ; et la cavalerie bavaroise, qu’on vouloit séparer, en répondit autant. Le prince Eugène remarcha en Bavière, prit les places, et mit le pays et la famille électorale en étrange état.

Marlborough, d’autre part, suivit de près son frère, qu’il avoit envoyé sur la Moselle avec un gros détachement ; ils s’emparèrent de Trèves, et tôt après firent le siège de Traarbach, et le prirent, pendant que le duc de Marlborough s’alla promener en Allemagne, et voir les électeurs de Brandebourg