Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/78

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ne falloit jamais prendre plus fort que soi, surtout des ministres, si rarement traitables et raisonnables, pour n’être point écrasé par ce qu’on a pris pour se soutenir et s’avancer ; qu’un mariage égal engageoit chaque côté à mettre également du sien, et faisoit plus justement espérer l’union des familles ; que, pour cette raison, je n’avois pas goûté leur mariage, et que j’avois proposé celui d’une fille du duc d’Harcourt par les raisons que j’ai ci-devant rapportées, et je me rabattis à l’assurer que si je les avois connus alors tels que je les connoissois maintenant, j’aurois pressé leur mariage, bien loin d’en dégoûter.

La franchise de ma réponse, et le peu qu’il avoit fallu pour l’attirer, plut tant à Mme Chamillart, qu’elle me répondit qu’il la falloit payer par la sienne. Elle m’apprit que, dès l’hiver précédent, le mariage s’étoit traité pour Mme de La Feuillade ; que, ne s’étant pu faire, et Mme de La Feuillade mariée, Mme la maréchale de Lorges avoit tout tenté pour leur dernière fille, par M. de Chamilly et par Robert, après qu’elle fut partie avec son mari pour la Rochelle ; enfin par elle-même ; qu’il étoit comme fait lorsque la maréchale me répondit l’été dernier qu’il n’y avoit pas le moindre fondement, qui fut l’occasion où je lui parlai contre ce mariage et pour celui de Mlle d’Harcourt ; qu’aussitôt après la maréchale alla à l’Étang sous un autre prétexte, et qu’en ce voyage, que Mme Chamillart me rappela par des circonstances, traitant avec elle le mariage, la maréchale lui avoit dit que j’y étois entièrement opposé, et voulois celui de Mlle d’Harcourt. Je laisse les réflexions sur ce trait et sur ses suites, mais je ne l’ai pas voulu omettre pour montrer combien M. et Mme Chamillart étoient de bonnes gens d’en user après, cela comme ils firent avec moi, et d’en faire toutes les avances. Cela aussi scella entièrement notre amitié et notre liaison intime.

Ce mariage eut le sort que j’avois prédit à la maréchale il fut de fer pour eux et d’or pour moi, non pas en finance,