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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/159

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on crut qu’il y avoit eu des raisons importantes pour ce voyage.

La douleur de la veuve ne lui ôta aucune liberté d’esprit. On ne douta pas qu’elle ne se fût saisie de tous les papiers avant de se jeter dans le couvent où elle passa sa première année. Elle y reçut une lettre de Mme la duchesse de Bourgogne, dont elle se para fort, et la visite des dames les plus avant auprès de cette princesse. Elle les reçut froidement, et Mme de La Vallière si mal, que d’amies intimes qu’elles étoient elles s’en brouillèrent.

Incontinent après Pâques nous fûmes à Marly, Mme de Maintenon y parut triste, embarrassée, sévère contre son ordinaire avec Mme la duchesse de Bourgogne. Elle la tint souvent et longtemps tête à tête, la princesse en sortoit toujours en larmes. On ne douta plus que Mme de Maintenon n’en eût appris enfin ce que chacun voyoit depuis longtemps. On soupçonna Maulevrier de s’être vengé par des papiers qu’il lui avoit envoyés sur les fins. On imagina même que Desmarets, cousin germain de Maulevrier, et qui s’étoit toujours mêlé de ses affaires domestiques, avoit été saisi de papiers importants, que, par le canal de Chamillart, il avoit fait passer à Mme de Maintenon et au roi même. J’étois ami particulier de toute ma vie de Desmarets, après mon père, comme je l’ai rapporté en son lieu, et à portée de tout avec lui. Je le pris un jour de conseil de finances que nous avions dîné ensemble chez Chamillart, et en nous promenant dans les jardins de Marly tête à tête je lui en demandai la vérité. Il m’avoua que Maulevrier l’avoit souvent entretenu de ses visions et de ses amours, et lui en avoit tant conté de toutes les sortes que, désespérant de l’en pouvoir déprendre, et ne doutant pas que la fin n’en fût fâcheuse, il lui avoit depuis fermé la bouche toutes les fois qu’il avoit voulu lui en parler. Il me dit que c’étoit lui qui avoit ordonné du scellé, qu’il ne doutoit pas qu’il n’y eût là bien des lettres et bien des papiers fort curieux ; qu’il savoit que, peu avant sa mort,