Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour occuper le terrain qui s’étendoit vers le village de Neuféglise, laissa la droite de sa seconde ligne dans son ordre naturel, et porta son aile gauche devant un marais très difficile qui s’étendoit au delà de cette aile, laquelle se trouvoit à peu près en ligne avec la droite. Comme il achevoit ses dispositions, l’électeur à peine averti arriva au grand galop de Bruxelles. Il avoit grand lieu de se plaindre, et peut-être encore de blâmer ce qui se faisoit ; mais il n’étoit pas temps. Il n’y avoit que celui d’achever ce qui étoit commencé ; à quoi il se prêta sans humeur et de bonne grâce en attendant un autre loisir.

Il étoit deux heures après midi quand l’armée ennemie, arrivée en bel ordre en présence, commença à essuyer le canon de Ramillies. Il obligea leurs troupes à faire halte pour attendre le leur qui, fort promptement après, se trouva en batterie. La canonnade dura bien une heure. Ils marchèrent ensuite à Taviers avec du canon. Ils y trouvèrent moins de résistance qu’à leur droite, ils s’en rendirent maîtres. Dès ce moment, ils firent marcher leur cavalerie. Ils s’étoient aperçus fort à temps que le marais qui couvroit notre gauche empêcheroit les deux ailes des deux armées de se pouvoir joindre. Ils avoient fait couler toute la leur derrière leur centre, en avoient formé plusieurs lignes les unes sur les autres, mais sans confusion, derrière leur gauche, eurent ainsi toute la cavalerie de leur armée vis-à-vis notre droite et en état de s’en servir, tandis que toute la moitié de la nôtre demeura inutile dans un poste où elle ne pouvoit rien faire. Elle avoit vu toute celle des ennemis disparaître de devant elle entièrement ; ce mouvement, qui devoit lui servir d’exemple, ne l’ébranla point. Gassion qui la commandoit, comme l’ancien lieutenant général de notre gauche, s’en tourmenta fort, mais sans succès. Il lui étoit ordonné de ne bouger de là sans ordre ; il eut beau envoyer des aides de camp, nul ordre ne lui parvint.