Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

roi d’Espagne y étoit arrivé aux plus grandes acclamations de joie, et le duc de Noailles à sa suite, qui s’en revint aussitôt après droit en Roussillon.

Berwick étoit cependant dans une étrange presse à la tête d’une poignée de troupes mal en ordre vis-à-vis l’armée portugaise devant laquelle il ne pouvoit se présenter, qui prenoit tout ce qu’il lui plaisoit, alloit librement où elle vouloit, et le faisoit reculer et se retirer partout. Il se tenoit néanmoins toujours à portée d’elle, faisant mine de lui disputer les gorges et les rivières, et ralentissant ses mouvements et ses progrès autant que la capacité pouvoit suppléer aux forces. Tout son art et ses chicanes ne purent empêcher les Portugois de tourner sur Madrid et de s’en approcher. La reine en sortit avec ses enfants et sa suite, le 18 juin, pour aller à Burgos, sur le chemin de Pampelune. Le roi en partit, le 21, pour s’aller mettre à la tête de la petite armée de Berwick. Amelot le suivit, et les conseils suivirent la reine. Quantité de grands s’en allèrent sur leurs terres, le cardinal Portocarrero à Tolède, laissant la plus grande consternation dans Madrid, dont, incontinent après, les Portugois se rendirent les maîtres. Ils n’y trouvèrent aucun grand ni aucun membre des conseils. Le roi d’Espagne et Berwick tournèrent vers Burgos, où les vingt escadrons et les trente bataillons françois du siège de Barcelone les devoient rejoindre. Quelques grands le joignirent d’autres allèrent trouver la reine à Burgos. Six semaines et plus se passèrent dans ces extrémités, pendant lesquelles la reine confia toutes les pierreries du roi son mari et les siennes à Vaset, ce valet françois dont j’ai parlé, et l’envoya les porter en France. Il arriva à Versailles en même temps que le maréchal de Tessé. Vaset les remit au roi, et parmi elles cette fameuse perle en poire appelée la Pérégrine, qui, pour sa forme, son poids, son eau parfaite et sa grosseur, est sans prix et sans comparaison avec aucune qu’on ait jamais vue.

Enfin les troupes françaises arrivèrent en Espagne et