Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/195

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joignirent le roi et Berwick tout à la fin de juillet. L’archiduc se tenoit cependant à Saragosse, et laissoit faire ses armées.

Les évêques d’Espagne s’étoient signalés entre tous à lever des troupes à leurs dépens, et à donner au roi des sommes très considérables. L’évêque de Murcie fit plus qu’aucun, qui avoit été simple curé de village avec tant de réputation et de vertu, que le roi d’Espagne l’avoit élevé à cet épiscopat, d’où il donna l’exemple à tous les autres. Le cardinal Portocarrero, quoique si justement mécontent, donna beaucoup et continua toujours de signaler son attachement. Celui des prélats fut très important au roi. Ils s’appliquèrent à envoyer des prédicateurs choisis dans tous les lieux de leurs diocèses affermir les peuples dans leur fidélité et leur zèle, qui aussi en donnèrent les plus grandes marques et les plus utiles.

Berwick, renforcé de vingt escadrons et de trente bataillons françois, changea toute la face de cette guerre. Il se présenta à l’armée ennemie avec le roi d’Espagne : il chercha partout à la combattre. À son tour, elle se tint sur la défensive et recula partout. Partout elle fut poussée et perdit les lieux qu’elle avoit pris ou occupés. Les peuples armés par toute la Castille reprirent vigueur, et, sans troupes avec eux, firent rebrousser l’archiduc qui venoit joindre son armée. Ils reprirent Ségovie, où les Portugois avoient laissé cinq cents hommes en garnison, qui sortit du château à condition de se retirer en Portugal par le chemin qui lui fut prescrit, et de ne servir de six mois contre le roi d’Espagne. Ce prince, alors au large, envoya Mejorada avec cinq cents chevaux à Madrid, d’où les Portugois s’étoient éloignés. Il y fut reçu avec les plus grandes acclamations, et peu à peu les ennemis se trouvèrent chassés de toute la Castille. Le roi d’Espagne rentra dans Madrid à la fin de septembre, la reine incontinent, avec les plus grandes marques de joie.