Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chez M. le Grand, et chez qui le maréchal de Villeroy et la meilleure compagnie étoit tous les jours à Paris en fêtes et au plus gros jeu du monde. Par le changement de général, il fallut à tous les officiers généraux de nouvelles lettres de service ; Guiscard, premier lieutenant général de l’armée de Flandre, fut le seul qui n’en eut point. On prétendoit que la tête lui avoit tourné à Ramillies et depuis, comme au maréchal. Cette disgrâce porta à plomb sur ce dernier, qui, ne pouvant se justifier ni se soutenir lui-même, ne put être d’aucun secours à son ami. Guiscard, se voyant sans emploi à l’armée, prit le parti de s’en venir chez lui à Magny, terre qu’il avoit achetée en Picardie de la succession du duc de Chaumes, qu’il avoit fort ajustée, et à qui il avoit fait donner le nom de Guiscard. Il y fut plusieurs mois solitaire, et obtint enfin une audience du roi, pour laquelle il arriva de chez lui. Elle fut courte et sèche, et tout aussitôt il retourna d’où il étoit venu, où il demeura encore fort longtemps.

Le roi avoit fait revenir Puységur d’Espagne, où il s’accommodoit médiocrement du droit et du sec d’un général qu’il avoit vu longtemps lui faire presque sa cour en Flandre, tandis qu’il faisoit tout dans l’armée sous M. de Luxembourg. Le roi l’entretint longtemps et le renvoya en Flandre.

M. de Vendôme, en partant de Paris pour Valenciennes, avoit écrit à l’électeur de Bavière qu’il attendroit là ses ordres pour l’aller trouver où il lui manderoit. Le roi étoit convenu avec lui de la manière dont il vivroit avec M. de Vendôme, duquel la naissance lui étoit plus chère que les rangs de son royaume.

Les généraux en chef des armées du roi, lorsqu’ils étoient maréchaux de France et qu’ils avoient vu des électeurs ou leur avoient écrit, ne leur avoient jamais dit ni écrit que monsieur. Ils avoient eu la main chez eux et un siège égal, leur avoient donné l’altesse électorale et reçu l’excellence. Villars n’en sut pas tant et vécut avec l’électeur de Bavière comme s’il n’eût pas été maréchal de France : de la cour on