Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lesquels il passeroit, et qu’il s’étonnoit que lui, ou les personnes qui le conduisoient, n’y eussent pas songé eux-mêmes. Il l’avoit faite, et la lui remit signée de lui. Elle portoit ordre du roi de ne voir aucun électeur qu’avec la main, et l’égalité entière pour toutes sortes d’honneurs chez eux, à plus forte raison tous les autres princes, excepté le seul duc de Savoie, duquel il prétendroit toutes les mêmes choses que des électeurs, excepté la main. C’étoit une déférence nouvelle, que le roi voulut bien accorder aux alliances si proches, et à la réputation de tête couronnée, dont ses ambassadeurs obtinrent une grande partie du rang, et l’eurent enfin entier partout bien des années avant la personne de leur maître. En effet, le duc de Rohan eut tout à Turin sans ménagement et sans la moindre difficulté, excepté la main ; en tout le reste, égalité entière de siège, du traitement et du service à table, et de tous les autres honneurs. Il commença par l’Italie. La vérité est que les électeurs évitèrent de le voir comme ils firent pour M. de Chevreuse. Ils étoient en prétention et en usage de précéder les ducs de Savoie ; ils ne voulurent pas être moins distingués que lui, et c’est ce qui forma leur difficulté de continuer à donner la main aux ducs. M. de Savoie, plusieurs années avant qu’être roi de Sicile, et enfin de Sardaigne, par la paix d’Utrecht, passa un carnaval à Venise, où se trouva aussi l’électeur de Bavière, père de celui-ci, qui le précéda toujours. M. de Savoie en voulut faire difficulté d’abord, il en obtint le réciproque d’altesse royale pour l’altesse électorale, que l’électeur ne lui avoit pas voulu accorder, et avec cette bagatelle se trouva partout avec l’électeur, et lui céda partout. Dès lors pourtant les ambassadeurs de Savoie avoient partout le rang d’ambassadeurs de tête couronnée.

Pour revenir donc à ce dont ces remarques nécessaires m’ont écarté, la légèreté française, et le peu d’état que les ministres postérieurs du roi lui avoient appris à faire des rangs de son royaume, et l’ignorance où les plus intéressés