Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/282

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chal de Gié, la cadette le seigneur de Guéméné, dont la branche étoit aînée de celle de Gié, mais qui en biens n’en fut que la cadette, parce que la belle-fille du maréchal de Gié, comme l’aînée de Mme de Guéméné, emporta la vicomté de Rohan et tous les biens de la maison. Or, l’arrière-petit-fils de ce mariage de l’héritière de la branche aînée de Rohan avec le second fils du maréchal de Gié fut le duc de Rohan, père de l’héritière qui épousa le Chabot, seigneur de Saint-Aulaye, père du duc de Rohan dont il s’agit, et qui, comme on l’a dit, n’avoit rien ou presque rien vaillant. Cette grande inégalité de biens, avec cette grande héritière qu’il épousoit, lui fit imposer la loi par son contrat de mariage, que les enfants qui en naîtroient porteroient à toujours, et à leur postérité, le nom et les armes de Rohan, ce qui fut exécuté sans difficulté aucune, jusqu’au temps dont je vais parler.

Immédiatement avant la rupture de l’Angleterre, après l’avènement de Philippe V à la couronne d’Espagne, le duc de Rohan envoya ses deux aînés se promener en Angleterre. L’aîné portoit le nom de prince de Léon, l’autre celui de chevalier de Rohan. Ils firent à Londres une dépense convenable à leur qualité ; ils furent fort accueillis en cette cour, et y virent familièrement tout ce qui y étoit le plus distingué. En même temps, le prince de Guéméné se trouva aussi à Londres, celui même dont j’ai fait mention à propos de notre procès contre M. de Luxembourg, ce qui me dispensera de le dépeindre ici de nouveau. L’oisiveté, l’ennui lui avoient fait passer la mer pour acheter des chevaux. Il vivoit à Londres comme à Paris, dans l’avarice et l’obscurité, sans y voir qui que ce fût qui eût ni nom, ni emploi, ni figure. Le contraste du brillant du prince de Léon et du chevalier de Rohan le piqua à travers sa stupidité, sans toutefois vouloir rien faire de tout ce qui le pouvoit mettre dans une meilleure compagnie et le faire considérer. Il étoit l’aîné de la maison de Rohan ; l’extrême bêtise n’empêche