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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/297

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maître des voix de tous ses amis au conseil, et qui avoit instruit Mgr le duc de Bourgogne à y faire un plaidoyer contre eux. La chose étoit bien éloignée de l’austérité des mœurs de M. de Beauvilliers, mais la vérité étoit que ses amis, excepté Desmarets, avoient, par un hasard qui n’avoit de source qu’en leurs seules lumières, tous été pour le duc de Rohan. Dette licence, qui fut relevée, mit M. et Mme de Soubise et leurs enfants dans une grande peine. Il fallut s’excuser, se dédire, en venir aux justifications, aux déguisements, aux pardons avec le prince et le gouverneur. Le soulèvement général les toucha profondément, surtout l’abandon des Bouillon leurs semblables, qui ne voulurent point participer avec eux au déchaînement public, et les propos des Lorrains, qui, parents des Chabot et toujours en dépit de similitude avec des seigneurs qui ne sont pas comme eux de maison souveraine, ne les épargnèrent pas en cette occasion.

Il s’en présenta bientôt une autre, qui les jeta dans un cruel embarras. Guéméné relevoit en juveigneur du duc de Rohan, qui, pour les biens, représentoit l’aîné de la maison. Le prince de Guéméné n’en avoit point rendu de foi et hommage, et jusqu’alors M. de Rohan l’avoit souffert. À cet éclat il saisit féodalement cette terre, qui est de quinze mille livres de rente. Nul moyen de s’y opposer ni d’en empêcher l’effet, qui est la perte entière des fruits, c’est-à-dire de la totalité du revenu, que par rendre la foi et hommage. Pour la rendre, il falloit que le prince de Guéméné allât en personne en Bretagne se mettre à genoux, sans épée ni chapeau, devant le duc de Rohan, lui prêter foi et hommage en cet état, et pour cette fois n’en pas avoir la main chez lui. C’est à quoi le duc de Rohan le voulut réduire, et y tint ferme, quoi qu’on pût employer auprès de lui.

Dans cette presse, le roi fut longtemps sollicité de les tirer de ce mauvais pas, et le roi longtemps à s’en défendre, sur ce qu’il ne se mêloit point d’affaires particulières. Mme de