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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/299

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que ses beaux yeux avoient conquis. D’un autre côté, il étoit bien fâcheux pour des princes de si nouvelle impression de voir traîner en Bretagne leur nom et leurs armes à des gens qui n’avoient aucune distinction, et qui demeuroient un monument vivant de leur commune origine rien moins que souveraine, ni que supérieure aux premières maisons de leur pays, quelque ancienne et illustre qu’elle fût.

Isaac de Rohan, seigneur du Poulduc, dans la paroisse de Saint-Jean de Beverlay, diocèse de Vannes, quatrième descendant de celui qui s’étoit ruiné, et neuvième descendant d’Éon, puîné d’Alain VI, vicomte de Rohan, étoit, depuis ce père commun de toute la maison de Rohan, c’est-à-dire depuis plus de trois cent cinquante ans, en possession paisible du nom et des armes de Rohan, reconnu jusqu’alors par tous ceux de cette maison pour en être, ainsi qu’eux-mêmes, sans nulle difficulté en aucun temps, avec toute la Bretagne pour témoin de leur naissance. Cela étoit extrêmement incommode.

Isaac de Rohan, seigneur du Poulduc, fils d’une Kerbalot, mari d’une Kerpoësson, se trouvoit sans appui comme sans biens et sans alliances. On crut, avec de l’argent et du crédit, pouvoir lui enlever son état et le faire passer pour un bâtard ou pour un usurpateur. Dans cette confiance, il fut attaqué sur son nom et ses armes. On espéra qu’il n’oseroit se défendre, ou qu’avec des moyens on l’introduiroit à céder. On se trompa sur ces deux points, et on ne s’abusa pas moins sur un troisième, qui fut de s’être flatté de n’avoir affaire qu’à un homme sans secours. Le nom et le crédit de M. et de Mme de Soubise eurent beau paroître à découvert, ce fut un soulèvement général dans toute la Bretagne. La vérité y excita tout le monde, l’oppression attira l’indignation, tous les alliés de cette branche se démenèrent