Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Celle-ci étoit fille d’un maître des comptes qui s’appeloit Lagrange-Trianon. Son mari, qui, comme elle, avoit peu de bien, et, comme elle, aussi beaucoup d’esprit et de bonne compagnie, portoit avec peine le poids de son autorité. Pour l’en dépêtrer et lui donner de quoi vivre, ils lui procurèrent, en 1672, le gouvernement du Canada, où il fit si bien longues années, qu’il y fut renvoyé en 1689 ; et y mourut à Québec à la fin de 1698. Son grand-père étoit premier maître d’hôtel et gouverneur de Saint-Germain. Il fut chevalier de l’ordre en 1619. Il avoit marié son fils à une fille de Raymond Phélypeaux, secrétaire d’État après son père et son frère, ayant été auparavant trésorier de l’épargne. Cela fit Frontenac père du gouverneur de Canada, beau-frère de MM. d’Humières et d’Huxelles. Il falloit pourtant que ce ne fût pas grand’chose, car on trouve avec les mêmes nom et armes un Roger de Buode, huissier de l’ordre en 1641, seigneur de Cussy, après Paul Aubin. Ce Roger, seigneur de Cussy, mourut en 1655, et Jean Aubin, fils de son prédécesseur, rentra dans la charge. Mme de Frontenac étoit extrêmement vieille, et voyoit encore chez elle force bonne compagnie. Elle n’avoit point d’enfants et peu de bien que, par amitié, elle laissa à Beringhen, premier écuyer.

Mlle de Goello mourut peu de jours après, à plus de quatre-vingts ans, à l’hôtel de Soubise, où elle avoit logé toute sa vie. Elle étoit sœur de la mère de M. de Soubise, qui avoit une grande confiance en elle, et qui en eut trois cent mille livres. C’étoit une créature de tête et d’esprit. Elle étoit des bâtards de Bretagne, sœur du père du comte de Vertus d’aujourd’hui, derniers de ces bâtards. Sa sœur aînée, mère de M. de Soubise, étoit cette belle duchesse de Montbazon, qui figura tant dans les troubles de la minorité de Louis XIV, belle-mère de la fameuse duchesse de Chevreuse et du mari de cette belle et habile princesse de Guéméné, qui, à leur aide, accrocha le tabouret, comme je l’ai raconté (t. II, p. 153, 154) ; et toutes trois commencèrent le rang dont jouit