Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/358

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il ne les marchandât pas, et que, s’il ne se trouvoit pas assez fort pour les combattre, il ne laissât au siège que le nécessaire, et qu’avec le reste il donnât bataille. » Voilà exactement le contenu de cette première lettre, que le maréchal montroit par morceaux, s’avantageant du commencement qu’il ajustoit à sa mode sur ce qu’il s’y prétendoit piqué d’honneur, incité vivement aux partis vigoureux, mais il se gardoit bien d’en montrer le reste qui faisoit voir si clairement que cette vigueur ne lui étoit ni prescrite ni conseillée qu’au cas que les ennemis entreprissent de troubler le siège de Lewe, bien moins de leur prêter le collet sans cette raison, et encore sans avoir reçu le renfort du maréchal de Marsin.

La seconde lettre du roi ne consistoit qu’en raisonnements de troupes, revenant en deux mots au projet susdit qu’elle confirmoit tel qu’il vient d’être exposé.

La lettre du maréchal de Villeroy étoit datée de la veille de la bataille. Elle contenoit le détail de sa marche et de celle des ennemis, ne parloit d’aucun dessein de les combattre, et finissoit en marquant seulement que, s’ils s’approchoient si fort de lui, il auroit peine à se contenir. Ce mot ne manquoit rien moins qu’un dessein formé de combattre ; il montroit seulement une excuse prématurée de ce qui pouvoit arriver, bien éloigné de l’exécution d’un ordre qu’il prétendoit l’avoir dû piquer d’honneur. Ainsi, bien loin d’avoir reçu celui de donner bataille dans le temps et dans la circonstance qu’il livra celle de Ramillies, quelque victoire qu’il y eût remportée ne l’eût pas dû garantir du blâme d’avoir hasardé le projet du siège par un événement douteux, et de n’avoir attendu ni l’occasion seule où la bataille lui étoit prescrite ni le renfort qui le devoit joindre, sans lequel il ne lui étoit pas permis de rien entreprendre. Il le sentit si bien lui-même, que, dans le dessein qu’il avoit conçu de combattre, sans l’occasion du siège qui lui étoit ordonné, surtout sans le renfort que lui amenoit Marsin