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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/380

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toute la petite écurie, où M. le Premier étoit fort aimé, s’étoit débandée de tous côtés. Quelque diligence qu’on eût faite pour garder tous les passages, il avoit traversé la Somme, et il étoit à quatre lieues par delà Ham, gardé par trois officiers sur sa parole de ne point faire de résistance, tandis que les autres s’étoient mis en quête d’un de leurs relais, lorsqu’un maréchal des logis arriva sur eux, suivi, à quelque distance, d’un détachement du régiment de Livry, puis d’un autre, de manière que Guetem, ne se trouvant pas le plus fort, se rendit avec ses deux compagnons et devint le prisonnier du sien.

M. le Premier, ravi d’aise de sa rescousse, et fort reconnoissant d’avoir été bien traité, les mena à Ham, où il se reposa le reste du jour, et, à son tour, les traita de son mieux. Il dépêcha à sa femme et à Chamillart. Le roi, fort aise, lut à son souper les lettres qu’il leur écrivoit.

Le mardi 29, le Premier arriva à Versailles sur les huit heures du soir, et alla tout droit chez Mme de Maintenon, où le roi le fit entrer, qui le reçut à merveilles et lui fit conter toute son aventure. Quoiqu’il eût beaucoup d’amitié pour lui, il ne laissa pas de trouver mauvais que tout fût en fête à la petite écurie, et qu’il y eût un feu d’artifice préparé. Il envoya défendre toutes ces marques de réjouissance, et le feu ne fut point tiré. Il avoit de ces petites jalousies, il vouloit que tout lui fût consacré sans réserve et sans partage. Toute la cour prit part à ce retour, et le Premier eut tout lieu par l’accueil public de se consoler de sa fatigue.

Il avoit envoyé Guetem et ses officiers chez lui à Paris attendre les ordres du roi, où ils furent traités fort au-dessus de ce qu’ils étoient. Beringhen obtint pour Guetem la permission de voir le roi et de le mener à la revue ordinaire que le roi faisoit toujours de sa maison à Marly avant la campagne. Le Premier fit plus, car il l’y présenta au roi, qui le loua d’avoir si bien traité le Premier, et ajouta qu’il falloit toujours faire la guerre honnêtement. Guetem, qui