Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/402

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peut-être encore plus le neveu et le gendre du roi tout à la fois, qui alloit commander les armées en Espagne, et qui apparemment y prendroit un grand crédit, au moins celui de la servir ou de lui nuire. M. le duc d’Orléans, de son côté, hasarda d’accepter ce qui lui fut offert, parce qu’on aime toujours à se rehausser.

Il n’ignoroit pas que le premier fils de France qui ait eu un fauteuil devant une tête couronnée a été Gaston, qui, étant lieutenant général de l’État dans la minorité de Louis XIV, profita de l’indigence, des malheurs, et des besoins de la reine d’Angleterre sa sœur pour ses enfants et pour elle-même, réfugiés en France après l’étrange catastrophe du roi Charles Ier, son mari, dont l’exemple et une raison semblable valut le fauteuil à Monsieur et à Madame, père et mère de M. le duc d’Orléans, [de la part] du roi Jacques II et de la reine sa femme, réfugiés pareillement en France en 1688 par l’invasion et l’usurpation du prince d’Orange, depuis dit le roi Guillaume III. Mais il savoit aussi que lui-même ne l’avoit pu obtenir. On lui avoit seulement souffert, à Mme la duchesse d’Orléans, à Mademoiselle, sa sœur, depuis duchesse de Lorraine, et aux trois filles de Gaston, de ne voir le roi et la reine d’Angleterre qu’avec Monseigneur, Monsieur ou Madame, devant qui ils ne prétendoient qu’un tabouret ; et comme tout s’étend en France sans autre droit que de l’oser, les deux autres filles du roi, toujours blessées du rang si supérieur au leur de leur sœur cadette, se mirent sur le même pied de ne voir la cour d’Angleterre qu’avec des fils ou des filles de France ; puis d’elles, qui étoient princesses du sang par leurs maris, les autres princesses du sang en ont toujours usé de même. Le roi le souffroit, et le roi et la reine d’Angleterre n’étoient pas en situation de s’en plaindre. C’étoit donc un demi droit, en M. le duc d’Orléans, que cette prétention telle qu’elle pût être ; et à l’égard des pays étrangers, il ne donnoit pas la main, et ne rendoit pas la visite qu’il recevoit