Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/421

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sommairement le fait, les raisons des parties, et celles qui ont déterminé le jugement. Le roi, qui les approuve d’ordinaire, signe la sentence qui ne devient arrêt qu’en ce moment ; sinon il ordonne au conseil de la revoir et de lui en rendre compte une autre fois, ou il renvoie l’affaire à des commissaires qu’il choisit, ou à un autre conseil, comme celui des finances, des Indes ou autre pareil. Quelquefois il casse la sentence, rarement, mais il le peut, et cela est quelquefois arrivé ; il rend de son seul avis un arrêt tout contraire, qui s’écrit là sur-le-champ, et qu’il signe. Il n’entre point dans tout ce qui est procédure ou interlocutoire[1], à moins qu’il n’ait reçu des plaintes, et qu’il veuille en être informé, mais seulement dans les décisions. Ainsi il est vrai de dire que ce conseil de Castille, si suprême, n’a que voix consultative, et de soi ne rend que des sentences, et que c’est le roi seul qui juge et décide de tous les procès et les questions.

Après cette séance, qui ne va guère à deux heures, le roi se lève ; tous se mettent à genoux, et il sort de la pièce où il les laisse. Dans la joignante, il trouve ses grands officiers et sa cour. Le chef du conseil de Castille le suit, je dis chef parce que c’est ou un président ou un gouverneur, et j’en ai expliqué la différence en parlant de la dignité des grands ; ce chef, dis-je, le suit. Le roi s’arrête dans une des pièces de son appartement où il trouve un fauteuil, une table avec une écritoire et du papier à côté ; et vis-à-vis, tout près, un petit banc nu de bois, fort court. L’accompagne ment du roi passe outre et l’attend dans la pièce voisine. Il se met dans le fauteuil, et le chef sur ce petit banc nu, et là il lui rend compte du conseil même et de tout ce qui passe par lui seul ; sur quoi il reçoit ses ordres. Cela fait, il retourne d’où il étoit venu, et le roi en même temps passe

  1. On appeloit jugement interlocutoire, dans l’ancien droit françois, un arrêt qui ne décidoit point la question ; le tribunal se bornoit à ordonner une plus ample information sur quelques points.