Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/444

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les princes qui la portoient ont voulu que l’affaire allât jusqu’au bout. Enfin elle est échouée tout à fait ou remise à une autre fois. Les comtes de Montrésort [1] et de Béthune [2], qui n’avoient point encore parlé, y ont paru, et le premier a parlé à la reine d’une façon de longtemps préméditée. Il y avoit une lettre circulaire aux gouverneurs et grands seigneurs de toutes les provinces, toute prête à être signée, et envoyée de la part des opposants, qui avoit été dressée en l’assemblée chez le marquis de Sourdis.

« Les ducs et pairs s’assemblent chez le duc d’Uzès, et les princes autres que du sang chez M. de Chevreuse.

« Mardi matin, 5 octobre, encore assemblée de la noblesse opposante, que l’on appelle anti-tabouretiers, chez le marquis de Sourdis, lui absent, et son fils, le marquis d’Alluye, présent.

« Jeudi 7, la noblesse opposante aux tabourets s’assemble encore chez le marquis d’Alluye, en l’hôtel de Sourdis.

« L’opposition des ducs et pairs contre la principauté de la maison Bouillon La Tour continue, et la plainte des maréchaux de France contre le vicomte de Turenne, de ce qu’il a fait ôter les bâtons de maréchal de France de son carrosse [3]. »

Après avoir dit que les assemblées de la noblesse continuèrent le vendredi 8 et le samedi 9, sans entrer dans aucun détail, Dubuisson-Aubenay parle avec plus d’étendue de celle qui se tint le 11 octobre :

« Il y a eu grand bruit. Le marquis d’Alluye, fils du marquis de Sourdis d’Escoubleau, absent, a voulu faire sortir de chez lui les Besançon [4], disant qu’ils n’étoient pas gentilshommes. Ceux-ci ont menacé l’autre de coups de bâton. Le sieur d’Amboise, ci-devant gouverneur de Trin [5] en Piémont, puis de Lagny-sur-Marne durant le siège de Paris, a été admonesté de s’en retirer, quoiqu’il ait eu pour père un maître des requêtes, et qu’il ait les armes de l’ancienne maison d’Amboise, qui est de six pals [6] d’or et de gueules ; ce qu’il a fait doucement. Le prince de Condé avoit prié du commencement quelques-uns de ses amis de n’y pas aller ; à la fin il les y a envoyés lui-même. Le bruit des Besançon fut dès samedi.

« Dimanche après midi l’assemblée fut chez le maréchal de L’Hôpital, et aussi ce jourd’hui lundi depuis huit heures jusques après

  1. Claude de Bourdeille, comte de Montrésor, un des principaux agitateurs de la Fronde.
  2. Hippolyte de Béthune, né en 1603, mort en 1665.
  3. Saint-Simon revient souvent sur les prétentions de la maison de Bouillon. Voy., principalement t. V, chap. XVII.
  4. Les seigneurs, dont il s’agit ici, étaient de la famille du Plessis-Besançon.
  5. Trino, petite ville de Piémont, au N. O. de Casal.
  6. Bandes perpendiculaires sur l’écu.