Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/445

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dix, que fut apporté le brevet de la reine, par lequel elle abolit tous tabourets, entrées au Louvre et autres privilèges, concédés à qui que ce soit contre les formes ordinaires depuis l’an 1643 et durant la régence. On a voulu délibérer si l’on se contenteroit de ce brevet, et s’il ne falloit pas une déclaration du roi enregistrée au parlement, et les uns étoient d’un avis, les autres d’un autre ; mais le maréchal d’Estrées, l’un des présidents (car les maréchaux de France [1] y président, et les sieurs de Maulevrier, Brèves et de Villarceau servent de greffiers), ayant dit que l’heure étoit passée, est sorti et beaucoup de noblesse avec lui. Les autres sont demeurés en colère, disant qu’ils vouloient délibérer et qu’ils n’avoient que faire de ceux qui s’en alloient de la sorte. Mais le comte de Montrésor les a apaisés disant que jusqu’alors ils n’avoient rien fait que de bien ; qu’ils ne devoient donc pas finir par désordre et précipitation ; que l’on attendît à demain que l’assemblée fût légitime et complète pour achever leur délibération ; ce qui a été fait, et on nomma douze commissaires d’entre eux pour examiner l’affaire.

« Mardi 12, l’assemblée de la noblesse continue pour la dernière fois. Le brevet de révocation des brevets des tabourets et entrées en carrosse dans le logis du roi, donnés à la comtesse de Fleix [2] de la part de la reine comme à une veuve de la maison de Foix, à la demoiselle de Brantes-Luxembourg [3], et aussi à M. de Bouillon comme prince étranger, a été reçu. On a voulu faire passer que dorénavant toutes les concessions n’auroient d’effet qu’après l’enregistrement des brevets du roi, même majeur, au parlement. La pluralité des voix au contraire l’a emporté. L’assemblée ainsi s’est rompue, et l’archevêque d’Embrun, jadis abbé de La Feuillade, y est venu la haranguer de la part de son corps. Celui de la noblesse ira, dit-on, les remercier, et remerciera aussi tant les ducs et pairs que les princes qui ont épaulé ladite noblesse. Là-dessus le comte de Miossens, sous-lieutenant des gens d’armes du roi, demanda qu’il fût fait un décret que dorénavant en France on ne reconnût plus aucuns princes que

  1. « Auparavant qu’il y en eût, c’étaient les chevaliers des ordres qui présidaient, entre autres le comte d’Orval ; et le vieux marquis de La Vieuville, aussi chevalier des ordres, s’étant relâché à laisser passer le comte de Montrésor devant lui sous protestation que cela ne préjudicierait au rang, il en a été repris par le comte d’Orval ; mais lesdits chevaliers des ordres du roi, comme ils précèdent tous gentilshommes même gouverneurs de province, aussi cèdent-ils aux officiers de la couronne, comme sont les maréchaux de France. » (Note de Dubuisson-Aubenay.)
  2. La comtesse de Fleix était fille de la marquise de Senecey, gouvernante de Louis XIV. Saint-Simon parle (t. Ier, p. 70 et 350 de cette édition) de Gaston de Foix, fils de la comtesse de Fleix.
  3. Marie-Louise-Claire-Antoinette, fille de Léon d’Albert, sieur de Brantes et duc de Piney-Luxembourg.