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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/90

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vie de mon beau-frère, lui avoit prêté de l’argent, et dont la dette périclitoit, prétendoit, avec quelques autres créanciers aussi nouveaux, remettre ce même procès au jugement du parlement de Paris, comme chose à son égard toute neuve, n’étant pas encore créancière lors de mes arrêts, quoiqu’elle n’eût rien à alléguer qui n’eût été dit par mon beau-frère lors du premier arrêt que j’avois obtenu, et par ses créanciers avec lui lors du second. Il en fallut venir à un règlement de juges au conseil[1]. La duchesse d’Aumont, abusant de l’abattement des derniers temps de la vie du chancelier Boucherat, retarda tant qu’elle put, et vint à bout de faire nommer vingt-deux rapporteurs l’un après l’autre, qu’elle récusa tous vingt-deux, et que j’acceptai tous. Ce chancelier enfin nomma Méliant, fils de ce Méliant, parent et serviteur si particulier de M. de Luxembourg, et qui s’intrigua tant et si publiquement pour lui dans son procès de préséance contre nous. Ce rapporteur me déplut fort par cette raison ; mais c’étoit le vingt-troisième, et il ne falloit pas donner lieu à Mme d’Aumont de chicaner sans fin. Nous sûmes, à n’en pas douter, qu’elle étoit sûre du succès au fond, en demeurant à la chambre des enquêtes, où ses causes étoient commises au parlement de Paris, et Menguy, rapporteur de toutes, et qui l’eût été de celle-ci, n’avoit pas été honteux de s’en expliquer tout haut. Aloi aussi, j’espérois trouver une troisième fois la même justice au parlement de Rouen, que j’y avois rencontrée les deux premières. Ainsi de part et d’autre, nous fûmes en grand mouvement, et nous en étions là lorsque je commençai à presser ce jugement que la duchesse d’Aumont avoit tant éloigné, et qu’elle auroit laissé dormir toute sa vie.

Nous voilà donc aux sollicitations. Ma surprise, pour ne rien dire de plus, fut grande de trouver le nouveau duc de Brissac en mon chemin, après tout ce que j’avois fait pour

  1. Voy., sur le conseil des parties et ses attributions, t. Ier, note II.