Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/117

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songé à s’écarter, et toutes sortes de respects et de traits délicats de modestie étoient adroitement glissés dans cette lettre. Le roi lui témoigna en être content à son égard ; il ménagea les termes sur sa femme, mais il lui fit entendre qu’elle feroit bien d’être attentive et mesurée dans sa conduite, tellement que cela fut fini de manière que Torcy ne sortit pas trop mécontent de la conversation. On peut imaginer le bruit que fit cette aventure, et jusqu’à quel point les secrétaires d’État et les ministres si haut montés la sentirent. Le rare fut qu’il y eut des femmes de qualité qui se sentirent piquées de ce qui avoit été dit sur elles. Toutes affectèrent une grande attention à rendre aux femmes titrées. Le roi, qui le remarqua, le loua, mais avec aigreur sur le contraire, et s’est toujours montré depuis le même à cet égard des femmes titrées et non titrées, et des hommes pareillement. Pour ce qui est d’ailleurs du rang et de la dignité des dues, son règne entier, avant et depuis, s’est passé à y donner les plus grandes atteintes. J’appris l’affaire en gros par ce qu’on m’en écrivit ; je la sus à mon retour dans le dernier détail, et le plus précis, par plusieurs personnes instruites dès les premiers moments, surtout par les dames de Mme la duchesse de Bourgogne, à qui cette princesse l’avoit contée à mesure et à la chaude, et qui, n’étant pas duchesses, me furent encore moins suspectes de ne rien grossir.

Mme la duchesse de Bourgogne, huit jours avant d’aller à Fontainebleau, fit avec Mgr le duc de Bourgogne et beaucoup de dames une grande cavalcade au bois de Boulogne, où il se trouva une infinité de carrosses de Paris pour la voir. À la nuit, elle mit pied à terre à la Muette [1], où Armenonville donna un souper magnifique. Les dames de la cavalcade soupèrent avec Mgr [le duc] et Mme la duchesse de

  1. Saint-Simon, comme on l’a déjà remarqué, écrit toujours la Meute. On a suivi l’orthographe moderne.