Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/226

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dans l’habitude de ne plus tenir devant l’ennemi, et de se croire d’avance toujours battues, un temps de défensive et si triste ne me sembloit pas propre pour remettre Mgr le duc de Bourgogne à la tête d’une armée qui croiroit beaucoup faire que de ne pas reculer et de n’essuyer pas de fâcheuses aventures, dont les moindres deviendroient avec lui très embarrassantes et très affligeantes ; que ce prince s’étoit accoutumé à un particulier qui ne convenoit point à la vie de l’armée, et duquel il se déferoit malaisément ; que la raison contraire y feroit briller M. son frère à son préjudice, chose infiniment dangereuse ; mais que le pire de tous les inconvénients étoit celui de la présence du duc de Vendôme. « Eh ! c’est précisément pour cela, interrompit le duc de Beauvilliers, que la présence de Mgr le duc de Bourgogne est nécessaire. Il n’y a que lui dont l’autorité puisse animer la paresse de M. de Vendôme, émousser son opiniâtreté, l’obliger à prendre les précautions dont la négligence a coûté souvent si cher et a pensé si souvent tout perdre. Il n’y a que la présence de Mgr le duc de Bourgogne qui puisse réveiller la mollesse des officiers généraux, tenir en crainte l’exactitude de tous, en respect la licence effrénée du soldat, rétablir l’ordre et la subordination dans l’armée, que M. de Vendôme a totalement ruinés depuis qu’il commande en Flandre. » Je ne pus m’empêcher de sourire de tant de confiance, ni de lui répondre avec assurance que rien de tout cela n’arriveroit, mais bien la perte de Mgr le duc de Bourgogne.

Il seroit difficile de rendre quel fut l’étonnement du duc à cette repartie. Je me laissai interrompre, je demandai après d’être patiemment entendu, et je m’expliquai ensuite à mon aise.

Je lui dis donc que, pour en juger comme je faisois, il n’y avoit qu’à connoître ces deux hommes, et à cette connoissance joindre celle de la cour, et d’une armée qui deviendroit cour, au moment que Mgr le duc de Bourgogne y seroit