Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/24

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nulle part, et surtout aux lieux de respect, excepté sur ce tabouret dans le salon de Marly, et y voir le roi sur ses pieds un peu à son lever, qui ne le renvoyoit jamais s’asseoir, mais qui lui parloit toujours avec distinction, et le voir passer pour aller et venir de la messe et de la promenade. Il fit de fréquents voyages à Commercy, sous prétexte de sa femme et de son établissement en ce pays-là, d’y bâtir, d’y percer la forêt pour la chasse en calèche, et avoir là-dessus de quoi entretenir le roi et fournir à la conversation ; mais, au fond, il alla souvent à Lunéville, et couvroit cette assiduité de bienséance, qui en effet n’étoit que pour ses desseins.

Y étant au commencement de janvier 1708, tout à coup il y fut déclaré souverain de Commercy par le duc de Lorraine, du consentement du roi, et de toutes les dépendances de cette seigneurie, sans que l’évêque de Metz, qui en avoit la directe et la suzeraineté, y fût appelé et y entrât pour rien, réversible, après la mort de M, de Vaudemont et de sa femme, au duc de Lorraine et aux ducs de Lorraine ses successeurs, en même et pleine souveraineté. Incontinent après, M. de Vaudemont abdiqua les chimères de prétention à la souveraineté de la Lorraine, dont autrefois il avoit tenté d’éblouir aux Pays-Bas sur ce beau mariage de sa mère ; et le duc de Lorraine, je ne sais, non pas sur quel fondement, mais sur quelle apparence, le déclara l’aîné, après ses enfants et leur postérité, de la maison de Lorraine, lui donna le rang immédiatement après ses enfants et les leurs, et au-dessus du duc d’Elboeuf et de tous les princes de la maison de Lorraine. Avec cet avantage et cette souveraineté, M. de Vaudemont, si bien étayé en France, ne douta plus du succès de tout ce qu’il s’étoit proposé, et que, y précédant désormais la maison de Lorraine sans difficulté ; il n’en trouveroit plus, et par ce droit et par sa souveraineté, à atteindre au rang le plus grandement distingué. Son affaire faite en Lorraine, il y précéda le prince Camille, fils de M. le Grand, qui s’y étoit établi depuis quelques années avec une grosse pension de