Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/373

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ces royaumes. L’empereur y déclaroit qu’il vouloit rentrer dans tous les droits de l’empire en Italie, réunir les fiefs usurpés, examiner l’aliénation des autres, et qu’il prétendoit que le pape fît raison au duc de Modène des usurpations que la chambre apostolique avoit faites sur lui. La vérité est que les droits de l’empire en Italie étoient la plupart fort clairs, qu’ils s’étendoient beaucoup, que les usurpations étoient grandes, et peu ou point fondées. Cet édit ou décret fit grand’peur à Rome et à toute l’Italie ; la puissance de l’empereur y parut très redoutable. On s’y repentit de l’y avoir moins crainte que celle des François, et de l’avoir tant aidé à les en chasser. Venise, qui y avoit le plus contribué, fut la première à exciter le pape sur le danger commun, à lui proposer une ligue de toute l’Italie avec la France, où on ne désespéroit pas de faire entrer M. de Savoie, qui se pourroit laisser toucher du danger commun, et d’y attirer la France, pressée comme elle se trouvoit, qui par cette puissante diversion ne seroit plus seule et se reverroit comme avant la bataille de Turin.

Venise, qui, la première, avoit mis cette affaire sur le tapis, et qui ne cessoit d’en presser la conclusion, craignoit trop l’empereur dans sa terre ferme d’Italie et du Frioul pour oser se montrer, mais vouloit paroître être entraînée. Ce fut donc Rome qui en fit au roi les premières ouvertures. Il les reçut avec froideur parce qu’il ne voyoit pas grande apparence que le duc de Savoie y voulût entrer, qu’il ne voyoit rien de la part de Venise, et qu’il n’a jamais bien goûté l’importance des diversions. On fut donc longtemps à se résoudre de permettre au pape d’acheter des armes, de lever des troupes dans son propre comtat d’Avignon, enfin de lui donner des officiers de nos troupes ses sujets. On en étoit alors aux suites du combat d’Audenarde. L’Artois sous contribution, Arras, Dourlens, la Picardie menacés, les troupes que Berwick avoit amenées du Rhin répandues pour couvrir ces pays, Cheladet, avec un gros détachement de