Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/8

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belle-soeur. Elle le voyoit en plein, elle en rageoit, elle ne le pouvoit souffrir à son tour, elle éloignoit encore les deux frères l’un de l’autre.

Celui-ci étoit fort bien avec Monseigneur et M. et Mme la duchesse de Bourgogne qu’il avoit toujours fort ménagés et respectés. Il étoit timide avec le roi, qui s’amusoit beaucoup plus de M. du Maine, le Benjamin de Mme de Maintenon, son ancienne gouvernante, à qui il sacrifia Mme de Montespan, qui toutes deux ne l’oublièrent jamais. Il avoit eu l’art de persuader au roi qu’avec beaucoup d’esprit, qu’on ne pouvoit lui méconnoître, il étoit sans aucunes vues, sans nulle ambition, et un idiot de paresse, de solitude, d’application, et la plus grande dupe du monde en tout genre. Aussi passoit-il sa vie dans le fond de son cabinet, mangeoit seul, fuyoit le monde, alloit seul à la chasse, et de cette vie sauvage s’en faisoit un vrai mérite auprès, du roi, qu’il voyoit tous les jours en toutes ses heures particulières ; enfin, suprêmement hypocrite, à la grand’messe, aux vêpres, au salut toutes les fêtes et dimanches avec apparat. Il étoit le cœur, l’âme, l’oracle de Mme de Maintenon, de laquelle il faisoit tout ce qu’il vouloit, et qui ne songeoit qu’à tout ce qui lui pouvoit être le plus agréable et le plus avantageux, aux dépens de quoi que ce pût être.

Voilà bien de la digression ; mais on verra dans la suite combien elle est nécessaire pour l’éclaircissement et le dévoilement de ce qui se présentera à raconter. Ces personnages remueront bien des choses qui ne se pourroient entendre sans cette clef. Je l’ai donnée aux approches du besoin, et lorsque j’en ai trouvé l’occasion. Revenons maintenant à M. de Vaudemont.

Ce que j’ai expliqué (t. III, p. 195 et suiv.) de ses deux importantes nièces est si éloigné de l’endroit où nous sommes, que j’ai cru devoir les remettre ici devant les yeux sans craindre quelque sorte de répétition, par les choses si importantes où on les va voir figurer. La même raison me