Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/86

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magnifique entrée dans la capitale, et bientôt après l’empereur essuya un autre grand dégoût.

L’envoyé de Suède, dans la brillante posture où nous avons vu naguère le roi son maître en Saxe, demandoit avec hauteur la restitution de quantité d’églises de Silésie que l’empereur avoit ôtées aux protestants, et un grand nombre de Moscovites qui s’y étoient sauvés, qu’on avoit envoyés vers le Rhin pour les dépayser. Des demandes si nouvelles à la hauteur de la cour de Vienne éprouvèrent force lenteurs. L’envoyé de Suède parloit avec audace, on chercha à le mortifier ; on lui fit des chicanes sur l’audience des archiduchesses, et le comte de Zabor, grand chambellan de l’empereur, lui refusa le salut dans l’antichambre de ce prince. L’envoyé se plaignit de l’insulte ; la réponse fut que le respect du lieu défendoit d’y en rendre à personne. Le roi de Suède ne tâta point de ce subterfuge ; il éclata et il ordonna à son envoyé de partir sans prendre congé, s’il ne recevoit la satisfaction qu’il avoit prescrite ; la cour de Vienne alors craignit qu’il ne se jetât ouvertement à la France et céda. Tout cela fut long à terminer, mais à la fin l’envoyé eut l’audience contestée en la manière qu’il l’avoit prétendue, la restitution des Moscovites et des églises de Silésie accordée, et le comte de Zabor destitué, arrêté et envoyé en Saxe au roi de Suède, sans stipulation, pour faire de lui tout ce qu’il lui plairoit. Il tint le comte dans une rude prison et le renvoya après à Vienne, lui faisant fort valoir, et plus encore à l’empereur, de lui avoir fait grâce de la vie et de la liberté. En arrivant à Vienne, sa charge, qui n’avoit pas été remplie, lui fut rendue ; mais s’étant trouvé quelque temps après en même lieu que cet envoyé de Suède, qui s’appeloit le baron de Strahlenheim, c’est-à-dire à Breslau où Zabor l’alla chercher, Zabor lui demanda raison de ce qu’il avoit souffert à cette occasion, et de ne l’avoir pu avoir du soufflet qu’il avoit reçu de lui. Ils se battirent, mais on a prétendu que sans avoir rien dit, ni demandé aucune raison, Zabor assassina