Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/271

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Il y avoit longtemps que je m’apercevois que l’évêque de Chartres ne m’avoit que trop véritablement averti des mauvais offices qu’on m’avoit rendus auprès du roi, et de l’impression qu’ils y avoient faite. Son changement à mon égard ne pouvoit être plus marqué ; et, quoique je fusse encore des voyages de Marly, je ne pouvois pas douter que ce n’étoit pas sur mon compte ; piqué de tant de cheminées qui, pour ainsi dire, m’étoient tombées sur la tête en allant mon chemin, de ne pouvoir démêler le véritable apostume ni son remède par conséquent, d’avoir affaire à des ennemis puissants et violents que je ne m’étois point attirés, tels que M. le Duc et Mme la Duchesse, et que les personnage de la cabale de Vendôme et les envieux et les ennemis dont les cours sont remplies, et, d’autre part, à des amis faibles ou affaiblis, comme Chamillart et le chancelier, le maréchal de Boufflers et les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, qui ne pouvoient m’être d’aucun secours avec toute leur volonté ; vaincu par le dépit, je voulus quitter la cour et en abandonner toutes les idées.

Mme de Saint-Simon, plus sage que moi, me représentoit les changements continuels et inattendus des cours, ceux que l’âge y pou voit apporter, la dépendance où on en étoit non seulement pour la fortune, mais pour le patrimoine même, et beaucoup d’autres raisons. À la fin, nous convînmes d’aller passer deux ans en Guyenne, sous prétexte d’y aller voir un bien considérable que nous ne connoissions point par nous-mêmes, faire ainsi une longue absence sans choquer le roi, laisser couler le temps et voir après le parti que les conjonctures nous conseilleroient de prendre.

M. de Beauvilliers, qui se voulut adjoindre M. de Chevreuse dans la consultation que nous lui en fîmes, le chancelier à qui nous en parlâmes après, furent de cet avis, dans l’impuissance où ils se virent de me persuader de demeurer à la cour ; mais ils nous conseillèrent de parler d’avance de ce voyage, pour éviter l’air de dépit, et qu’il