Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/272

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ne se répandît aussi que j’eusse été doucement averti de m’éloigner.

Il fallut la permission du roi pour s’écarter si loin et si longtemps ; je ne voulus pas lui en parler dans la situation où je me trouvois. La Vrillière, fort de mes amis, et qui avoit la Guyenne dans son département, le fit pour moi, et le roi le trouva bon.

Le maréchal de Montrevel commandoit en Guyenne ; j’ai déjà remarqué, lors de sa promotion au bâton, quelle espèce d’homme c’étoit. La tête avoir achevé de lui tourner en Guyenne ; il s’y croyoit le roi, et avec des compliments et des langages les plus polis, usurpoit peu à peu toute l’autorité dans mon gouvernement. Ce n’est pas ici le lieu d’expliquer ce dont il s’agissoit entre nous, qui se trouvera nécessairement ailleurs. Il suffit de dire ici en gros qu’il ne m’étoit pas possible d’aller à Blaye, que cela ne fût fini avec une manière de fou pour qui le roi avoit eu toute sa vie du goût, et avec qui les raisons mêmes qui me menoient en Guyenne ne me laissoient pas espérer que raison, droit et justice de mon côté, fussent des armes dont je me pusse défendre. Il y avoit deux ans que lui et moi étions convenus de nous en rapporter à Chamillart, sans que ce ministre eût pu prendre le temps de finir cette affaire. Je me mis donc à l’en presser par la nécessité où je me trouvois là-dessus. Le même défaut de loisir, affaires, voyages, temps rompus, la différèrent toujours, tant qu’enfin arriva sa chute qui lui ôta tout caractère de décider entre nous, et à Montrevel toute envie de s’y soumettre.

Si, depuis cinq ou six mois, je m’étois déterminé à la retraite, cet événement ne fit que m’y confirmer et m’en presser. Un ami éprouvé dans une telle place et dans une telle faveur est d’un grand et continuel secours pour les choses et pour les apparences, et laisse un grand vide par sa disgrâce. Elle m’ôtait de plus le logement de feu M. le maréchal de Larges au château, qu’il me fallut rendre au duc de Lorges,