Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/45

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sa publicité précoce ne fit qu’ouvrir les yeux à la grande alliance sur le danger qu’elle couroit de perdre l’Italie, et irriter extrêmement l’empereur contre le pape, qui, dans l’espérance d’entraîner par son exemple, avoit, pris le premier les armes contre ses troupes, comme je l’ai raconté et avec succès tant qu’elles n’eurent affaire qu’à ce peu qui étoient demeurées éparses en Italie et dont le gros formoit toute la force de l’armée du duc de Savoie. Mais sitôt que ce gros eut quitté cette armée, qui fit finir la campagne de ce côté-là de meilleure heure, et qu’il eut paru en Italie, les troupes du pape n’osèrent plus tenir la campagne, ni tenir nulle part contre elles. Les Impériaux se mirent à ravager I’État ecclésiastique et à y vivre à la tartare. Ils tirèrent des contributions immenses et chassèrent de partout les troupes du pape. L’empereur, content de sa vengeance et des insultes qu’il faisoit faire au pape par le cardinal Grimani, de Naples, où il étoit vice-roi par intérim, ne vouloit que le forcer à reconnoître l’archiduc comme roi d’Espagne. Le pape étoit aux hauts cris, alléguoit le respect dû à sa dignité, sentoit où on vouloit l’amener, et ne savoit que devenir. On n’étoit plus au temps des excommunications, et l’empereur savoit très bien séparer le spirituel du temporel du pape.

Il avoit envoyé le marquis de Prié en Italie avec le caractère de son plénipotentiaire à Rome, où on ne vouloit point le recevoir. Tessé, qui prévit aisément quel seroit le succès de ce ministre impérial s’il étoit une fois admis, fit tout ce qu’il put pour l’empêcher ; mais il n’avoit que des paroles, et point de secours à prêter d’aucune espèce. Les cris de tout l’État du pape, et de. Rome même qui se sentoit cruellement de la ruine des campagnes, devinrent si grands, que le pape commença à en craindre presque autant que des Impériaux, et consentit enfin à recevoir le plénipotentiaire impérial dans Rome et à entrer en affaires avec lui.

Prié étoit peut-être l’homme de l’Europe le plus propre à