Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de très mesuré, en deux mots, sur des plaisanteries si déplacées dans sa bouche, et pour cette fois je m’en allai. Je fus quelques jours sans y retourner. La famille s’en inquiéta. Ils craignirent avec amitié que je ne fusse fâché ; ils en parlèrent à Mme de Saint-Simon. J’y retournai ; ils m’en parlèrent aussi. Je glissai là-dessus, mais résolu à laisser désormais le champ libre au duc de Mortemart quand je l’y trouverois.

Cette année, il n’y eut point de bals à la cour, et de l’hiver il n’y eut, contre la coutume du roi, qu’un seul voyage de Marly. On y alla quatre jours après ce que je viens de rapporter. Depuis quatre ans Mme de Saint-Simon et moi n’en manquions aucun voyage. Nous fûmes éconduits de celui-ci. Le voyage fini et moi encore à Paris, la comtesse de Roucy, qui en avoit été, vint à Paris où elle m’avertit que Mme de Lislebonne et Mme d’Espinoy avoient fait des plaintes amères à Mme d’Urfé et à Pontchartrain, comme à mes amis et pour me le dire, de ce que j’avois dit que je voudrois qu’elles fussent mortes et toute leur maison éteinte, bien aise au reste d’être défait de Mme de Soubise qui n’avoit que trop vécu.

Si Mme de Roucy m’eût appris que j’étois accusé d’avoir tramé contre l’État, elle ne m’eût pas surpris davantage, ni mis dans une plus ardente colère. Bien que mon cœur ni mon esprit ne me reprochassent point des sentiments si misérables, je repassai tout ce qui pouvoit m’être échappé depuis quelque temps, j’eus beau m’y épuiser, mes réflexions et mes recherches furent inutiles. Je m’en allai à Versailles débarquer chez Pontchartrain, qui me confirma ce que sa belle-soeur m’avoit appris, et qui ajouta que Mlle de Lislebonne et Mme d’Espinoy lui avoient dit qu’elles le tenoient du duc de Mortemart, qui le leur avoit dit à Marly. Alors je contai à Pontchartrain la soirée dont je viens de parler, à quel point mon silence et ma retenue avoient été poussés ; combien de si honteuses échappées et si éloignées de moi