Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/69

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l’avoient été de mes propos tenus, avec combien de réserve je m’étois borné aux réponses les plus courtes et les plus simples ; et je le priai et le chargeai de le dire de ma part aux deux sœurs. Au partir de là je m’en allai trouver Mme d’Urfé, qui m’ayant confirmé les mêmes choses et sur le duc de Mortemart, je la priai et chargeai de dire le soir même à ces mêmes cinq sœurs que je réputerois à injure extrême d’être accusé de penser si indignement ; que j’avois cette confiance que personne ne me reconnoîtroit à de tels sentiments, de la lâcheté desquels j’étois trop incapable pour croire avoir besoin de m’en justifier ; que néanmoins, outre les deux dames et le duc de La Feuillade, témoins uniques de ce qui s’étoit passé, qu’elles en pouvoient interroger, je m’offrois de donner en leur présence, et en celle de quiconque elles voudroient nommer le démenti au duc de Mortemart en face, et le démenti net et entier sur elles, sur leur maison ; sur Mme de Soubise, et sur tout ce qui directement ou indirectement pouvoit avoir trait, ou faire entendre rien de semblable. J’ajoutai, et toujours avec charge de le leur dire, que je ne désavouois pas l’impatience avec laquelle je supportois beaucoup de choses sur leur rang contre le nôtre, mais que dans mes désirs, ni si j’étois homme à faire des châteaux en Espagne, je ne serois pas content de revoir l’ordre et la règle rétablis sur les rangs, tels qu’ils le devoient être dans un royaume conduit par les lois de la sagesse et de la justice si elles et leur maison n’existoient plus.

Ma commission, et tout entière, fut faite le soir même. Mlle de Lislebonne y répondit à merveille et avec cet air de franchise qu’elle avoit assez souvent ; sa sœur aussi, mais avec moins d’esprit, en quoi elle étoit aussi fort inférieure à son aînée. Toutes deux chargèrent Mme d’Urfé de m’assurer qu’elles avoient été si étonnées qu’elles n’avoient point de peine à se persuader que je n’avois rien de semblable dans le cœur ni dans la bouche, ce qu’elles accompagnèrent de