Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/92

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tandis que les autres, et plus encore les bâtards, en étoient accablés.

À bout de tout il chercha à noyer ses déplaisirs dans le vin et dans d’autres amusements qui n’étoient plus de son âge et pour lesquels son corps étoit trop foible, et que les plaisirs de sa jeunesse avoient déjà altéré. La goutte l’accabla. Ainsi, privé des plaisirs et livré aux douleurs du corps et de l’esprit, il se mina, et, pour comble d’amertume, il ne vit un retour glorieux et certain que pour le regretter.

On a vu qu’il fut choisi pour commander en chef toutes les diverses troupes de la ligue d’Italie. Ce projet, qui ne fut jamais bien cimenté ici, n’y subsista pas même longtemps en idée. Chamillart, qui, trop gouverné, trop entêté avec des lumières trop courtes, avoit le cœur droit et françois, alloit toujours au bien autant qu’il le voyoit, sentoit le désordre des affaires, les besoins pressants de la Flandre, et se servit de ce premier retour forcé vers le prince de Conti sur l’Italie, pour porter Mme de Maintenon et le roi par elle à sentir la nécessité de relever l’état si fâcheux de cette frontière et de l’armée qui la défendoit, par ce même prince dont la naissance même cédoit à la réputation. Il l’emporta enfin, et il eut la permission de l’avertir qu’il étoit choisi pour commander l’armée de Flandre.

Conti en tressaillit de joie ; il n’avoit jamais trop compté sur l’exécution de la ligue d’Italie, il en avoit vu le projet s’évanouir peu à peu. Il ne comptoit plus d’être de rien, il se laissa donc aller aux plus agréables espérances. Mais il n’étoit plus temps : sa santé étoit désespérée ; il le sentit bientôt ; et ce tardif retour vers lui ne servit qu’à lui faire regretter la vie davantage. Il périt lentement dans les regrets d’avoir été conduit à la mort par la disgrâce, et de ne pouvoir être ramené à la vie par ce retour inespéré du roi et par l’ouverture d’une brillante carrière.

Il avoit été, contre l’ordinaire de ceux de son rang, extrêmement bien élevé, il étoit fort instruit. Les désordres de