Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/94

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lui conseiller d’en réparer le scandale par une visite à ce prince, chez qui il n’avoit pas encore imaginé d’aller. Il la crut, sa visite fut courte.

Elle fut suivie d’une autre de Mgrs ses fils. Mme la Princesse y passoit les nuits depuis longtemps. M. le Prince n’étoit pas en état de le voir ; M. le Duc garda quelque sorte de bienséance, surtout les derniers jours ; M. du Maine fort peu ; M. le prince de Conti avoit toujours vu quelques amis, et les soirs, touché de l’affection publique, se faisoit fendre compte de tout ce qui étoit venu.

Sur la fin, il ne voulut plus voir personne, même les princesses, et ne souffrit que le plus étroit nécessaire pour son service, le P. de La Tour, M. Fleury, qui avoit été son précepteur, depuis sous-précepteur des enfants de France, qui s’est immortalisé par son admirable Histoire ecclésiastique, et deux ou trois autres gens de bien. Il conserva toute sa présence d’esprit jusqu’au dernier moment, et en profita. Il mourut au milieu d’eux, dans son fauteuil, dans les plus grands sentiments de piété, dont j’ai ouï raconter au P. de La Tour des choses admirables.

Les regrets en furent amers et universels. Sa mémoire est encore chère. Mais disons tout : peut-être gagna-t-il par sa disgrâce. La fermeté de l’esprit, cédoit en lui à celle du cœur ; il fut très grand par l’espérance ; peut-être eût-il été timide à la tête d’une armée, plus apparemment encore dans le conseil du roi, s’il y fût entré.

Le roi se sentit fort soulagé, Mme de Maintenon aussi, M. le Duc infiniment davantage ; pour. M. du Maine, ce fut une délivrance, et pour M. de Vendôme, un soulagement à l’état où il commençoit à s’apercevoir que sa chute étoit possible ; Monseigneur apprit sa mort à Meudon, partant pour la chasse. Il ne parut pas en lui la moindre altération.

Son fils, qui avoit déjà une pension du roi de quarante mille livres, en eut une augmentation de trente mille livres, et Mme la princesse de Conti en eut une de soixante mille