Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/238

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étranglée, puisque je me déclare pour vous, et que je ne me départirai jamais de cet avis tant que ce sera mon avis qu’on me demandera ? Mais quand, après avoir tout représenté, je n’ai plus qu’à écrire ce que l’on me dicte et qu’à obéir, puis-je faire autrement ? D’ailleurs, en bonne foi, quand tout l’ouvrage en lui-même est si bon et si désirable, que vous consentez vous-même que l’on juge deux procès existants sans entendre les parties, et que l’on en prévienne douze prêts à éclore sans y appeler aucune des parties, pouvez-vous en justice, en honneur, en conscience désirer que l’on fasse renaître le vôtre oublié du parlement comme du roi même, et que l’on renverse un projet d’édit de cette importance, bon de votre propre aveu en tout ce qui est de votre goût, et qui ne regarde point votre petit intérêt à qui vous voulez que tout cède ? J’en appelle à la noblesse de votre cœur et à votre droite raison, monsieur ; vous êtes citoyen avant d’être duc, vous êtes sujet avant d’être duc, vous êtes fait par vous-même pour être homme d’État, et vous n’êtes duc que par d’autres. Pour me confirmer davantage dans mon avis, donnez-moi, je vous conjure, une copie du brevet de 1645 ; expliquez-moi bien 1622, 1631 et la réception de 1637. Je vois que par un excès de charité vous en faites une réticence éloquente dans votre mémoire. Moi, qui ne suis ni éloquent ni charitable, que j’en sache, je vous prie, l’anecdote dans tous ses points et dans tous ses détails. Vous savez comme moi tout ce que je vous suis, monsieur. »

Voici ma réponse à cette lettre, de Marly, 6 mai.

« J’ai reçu ce matin, monsieur, l’honneur de vos deux dernières lettres, l’une revenue de Paris, l’autre droit ici ; j’en respecte la gronderie, j’en aime l’esprit, permettez-moi la liberté du terme. Je reçois avec action de grâces le rendez-vous de samedi à Versailles. Je suis ravi de la peine que vous avez bien voulu prendre de tout lire, et je ne puis différer de vous remercier très-humblement des éclaircissements