Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son lieu. Il y en avoit rebâti un autre, qu’il avoit assuré devoir durer jusqu’à la postérité la plus reculée. Il avoit coûté plus de huit cent mille livres. Il fut emporté aux premiers commencements de cet hiver, par l’inondation de la Loire, qui par ses ravages coûta plus de dix millions au royaume, qui, comme il a été expliqué ailleurs, en fut redevable au crédit du duc de La Feuillade. Le grand prieur, encore sorti du royaume, comme il a été rapporté en son lieu, s’étoit, à force d’errer, établi à Venise. Ne se trouvant bien nulle part, il alla promener ses inquiétudes tout à la fin d’octobre, et se mit en chemin pour Lausanne, en Suisse. Une manière de bandit nommé Massenar, ayant pourtant une commission de l’empereur, et dont le fils avoit été pris depuis quelques mois, et mis à Pierre-Encise pour les crimes de son père et pour les siens, attrapa le grand prieur dans son chemin, lui fit passer diligemment le Rhin, l’enferma dans un château de l’empereur, et lui déclara qu’il le traiteroit tout pareillement que son fils seroit traité. Il eut permission d’en envoyer avertir le comte du Luc, ambassadeur du roi en Suisse, qui en donna avis par un courrier. Il ne parut pas que le roi fût fort ému de cette nouvelle, ni que personne y prît grande part.

L’emprunt continuel où M. le duc et Mme la duchesse de Berry étoient sans cesse réduits d’officiers de chambre, et de gardes du roi, et de table de Mme la duchesse de Bourgogne, lassa enfin par l’importunité, tellement qu’au lieu d’attendre la paix qui paraissoit encore si éloignée, le roi, contre sa première résolution, se porta à donner un apanage à son petit-fils. Les pensions furent accordées sur le pied de celles qu’avoient eues Monsieur et Madame, mais l’apanage fut fort différent. La reine mère, qui aimoit tendrement Monsieur et qui étoit régente, régla le sien et n’y garda point de mesure ; on tomba pour celui-ci dans l’extrémité contraire. Le revenu ne suffit pas à la dépense du