Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/332

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refuser. Jusqu’alors qui que ce soit n’avoit su ce qui se passoit entre nous. J’ai dit ci-devant ce qui me retenoit d’éclater, et il n’avoit garde aussi de montrer son tissu d’infamie.

Revenus à Versailles (car le chancelier ne paraissoit à Marly qu’au conseil), je lui contai ce qu’il ignoroit depuis la chute de Chamillart. Il ne balança pas à me réitérer ses remercîments de la suspension de ma nomination avant cette chute ; fit après une longue préface sur son peu d’indulgence pour son fils, ses défauts, ses sottises, la parfaite connoissance et la parfaite douleur qu’il en avoit, et de là me répéta toutes ses raisons entortillées de sophismes qu’il avoit excellemment à la main quand il en avoit besoin ; les entremêla d’autorité, et prétendit enfin que je réduisois son fils à l’impossible. Mon extrême surprise m’ôta toute repartie. Je lui dis seulement que je ne me croyois de tort que de n’avoir pas nommé sans ménagement du temps de Chamillart ; mais la parole me rentra tout à fait dans la poitrine par sa réplique, que j’aurois bien fait d’avoir nommé alors, et je ne songeai qu’à gagner la porte.

On a vu en différents endroits dans quelle amitié et dans quelle confiance réciproque je vivois avec le chancelier, et avec quelle adresse, de concert avec Mme de Saint-Simon, il m’empêcha de quitter la cour à la fin de 1709, où je me trouvois maintenant dans la situation la plus agréable, et comme on le verra incontinent, dans les espérances les plus flatteuses et les plus solidement fondées. Ce contraste avec l’état où je me serois trouvé dans la retraite que je voulois faire étreignit à son égard la colère de le voir soutenir la perfidie de son fils, mais à la vérité pour la porter sur ce fils tout entière, tellement que je finis une seconde conversation avec le chancelier par lui dire que la matière étoit épuisée, que nous ne nous persuaderions pas l’un l’autre, que je ne répondrois plus un seul mot à tout ce qu’il pourroit m’en dire, mais qu’il trouveroit bon aussi que je demeurasse