Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/333

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dans ma résolution de n’ouïr jamais parler en rien des milices de Blaye, et d’en laisser faire à son fils et à son capitaine garde-côte tout ce que bon leur sembleroit. Le chancelier entendit ce françois ; il me répondit avec embarras et quelque honte, que je faisois mal, mais que j’étois le maître.

Lui, la chancelière et Pontchartrain pressèrent extrêmement Mme de Saint-Simon de m’engager à acheter la capitainerie garde-côte de Blaye, et il parut bientôt qu’ils n’avoient pas prévu l’embarras où les jetoit ma fermeté, à laquelle ils ne s’étoient pas attendus, et qu’ils auroient bien voulu ne s’être pas engagés si avant, c’est-à-dire le fils, dans une si vilaine affaire, projetée et conduite à son ordinaire sans la participation de son père, et celui-ci à ne l’y pas soutenir quand il l’eut apprise pour être arbitre entre nous deux.

Pour se tirer d’un si mauvais pas, ils proposèrent à Mme de Saint-Simon d’emprunter de celui qu’ils lui nommeroient le prix de cette capitainerie, soit que ce fût un prêteur effectif, soit qu’il ne donnât que son nom pour couvrir leur bourse avec stipulation expresse qu’il se contenteroit des gages de la charge pour tout intérêt de la somme, et sans être tenus de les lui faire bons au cas qu’ils ne fussent point payés ; de n’avoir que la charge même pour toute hypothèque, et à sa perte si elle se supprimoit et étoit mal ou point payée sans pouvoir nous en jamais rien demander, et de porter seul toutes les taxes, augmentations de gages, et toute autre espèce de choses dont on accabloit tous les jours ces nouvelles créations, sans que nous y pussions entrer pour rien : c’étoit, en un mot, que je voulusse bien recevoir la charge sans bourse délier, et sans pouvoir y courir aucune sorte de risque.

J’étois si aigri, que je fus longtemps sans en vouloir ouïr parler. Je consentis enfin, par complaisance pour Mme de Saint-Simon, mais à condition que devant ni après la chose