Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/355

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comme il n’y avoit personne que nous en place, ni eux, ni les pairs, devant qui je passai et repassai, ne se levèrent point ; car autrement, lorsqu’on est en véritable séance, les fils de France, princes du sang et autres pairs, se lèvent tout debout pour un pair qui arrive, et ne se rassoient qu’en même temps que lui. M. le duc d’Orléans me mit donc debout entre lui et M. le duc de Berry, assis et tourné à eux, et là ils me demandèrent s’ils se lèveroient lorsque le premier président, suivi des autres, rentreroit par la lanterne de la buvette, et couleroit le long de leur banc jusque près d’eux. Je leur dis que non ; qu’ils devoient demeurer découverts, pour l’être lorsque les présidents paroîtroient ; les laisser arriver tons à leurs places, et leur rendre une légère inclination de corps, sans bouger d’ailleurs, lorsque, avant de s’asseoir, ils leur feroient la révérence, et cette inclination unique pour tous, en passant leurs yeux sur eux le long de leur banc. Ils s’en tinrent là sans ajouter rien davantage. M. le Duc, qui en entendit quelque chose, m’arrêta comme je passois devant lui pour me retirer à ma place, et me demanda s’il se lèveroit. Je souris, et je lui dis que j’ignorois ce qu’il vouloit bien accorder à ces messieurs-là ; mais que M. le duc de Berry ni M. le duc d’Orléans ne se lèveroient, ni n’en feroient pas le moindre semblant, parce qu’ils ne le devoient pas, ni les pairs ne s’en remueroient pas, et je regagnai ma place.

La morgue présidentale n’avoit garde de manquer une si belle occasion de s’exercer sur des fils de France. Ils prolongèrent leur toilette plus de trois gros quarts d’heure, et ils excitèrent les murmures tout haut, que nous entendions de nos places. Enfin ils arrivèrent, et je remarquai que la rougeur monta bien forte au visage du premier président, et des deux ou trois premiers qui le suivoient, lorsqu’ils virent M. le duc de Berry et M. le duc d’Orléans ne branler pas à leur arrivée, les deux princes du sang et les deux bâtards ne remuer pas davantage, et qu’ils n’eurent de tous, ainsi que