Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

manqué d’user de son droit ; comme il est arrivé tant de fois quand des personnes soumises à leurs ordres par état y ont été réfractaires, et de les envoyer arrêter avec main-forte, et conduire au For-l’Évêque [1] qui est la prison de leur tribunal. Ici il fallut avoir recours à l’autorité du roi, qui, bien loin de livrer ces messieurs à celle des maréchaux de France, fit expédier une lettre de cachet à chacun des deux querellants et une troisième au gouverneur de la Bastille : aux uns pour se rendre, à l’autre pour les recevoir à la Bastille, qui est la prison particulière où il n’entre et ne sort personne sans un ordre du roi immédiat, qui en fit expédier de pareils pour les en faire sortir, sans la moindre mention par conséquent des maréchaux de France ; et si les exempts leur furent envoyés avant d’aller à la Bastille, les y conduisirent, et les en accompagnèrent immédiatement depuis la Bastille jusque chez le maréchal de Villeroy, le premier des trois commissaires du roi, ce fut uniquement pour qu’il n’arrivât rien entre eux pendant ces intervalles. D’ailleurs, de sept ou huit maréchaux de France qui étoient lors dans Paris, où même le maréchal de Montesquiou étoit revenu de Flandre pour n’y plus retourner, et M. de Tingry allé en sa place pour y commander comme lieutenant général du pays, il n’y eut que trois maréchaux de France nommés par le roi pour être ses commissaires ; et par conséquent leur prétendue juridiction de maréchaux de France n’y fut pour rien, puisque les autres maréchaux de France furent exclus, et que ces trois-là même n’agirent en rien dans cette affaire par l’autorité de leurs offices, mais uniquement par celle du roi comme ses commissaires nommés pour cela. Aussi nulle forme de tribunal ordinaire chez le maréchal de Villeroy : ni le maître des requêtes rapporteur devant eux, ni le secrétaire du tribunal ne s’y trouvèrent, ni l’arrangement

  1. Le For-l’Évêque (forum episcopi) était primitivement le siége de la juridiction de l’évêque de Paris. Ce bâtiment fut transformé plus tard en prison, et enfin détruit en 1780.