Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se rassura quand il n’en vit aucun. Il en profita en scélérat habile et qui sent à qui il a affaire. Il en fut quitte pour la plus terrible peur que lui et les siens eussent eue de leur vie. Ils travaillèrent sans relâche auprès du roi et de Mme de Maintenon, ils furent quelque temps sans oser pousser le cardinal de Noailles, dans la crainte du public qui jeta les hauts cris, ils se donnèrent le temps de les laisser amortir, et à eux de reprendre haleine ; et de là continuèrent hardiment ce qu’ils avoient entrepris.

Le Dauphin ne put être pris comme le roi. Lui et la Dauphine en parlèrent fort librement ; et ce prince me dit et le dit encore à d’autres, qu’il falloit avoir chassé le P. Tellier. Dès la fin de Fontainebleau, le roi avoit remis au Dauphin la totalité de l’affaire du cardinal de Noailles. Il y travailla trop théologiquement, et je crus avoir aperçu qu’il étoit entré en grande défiance des jésuites sur cette affaire, ce qui est clair par ce que je viens de rapporter de lui sur le P. Tellier, mais encore de l’évêque de Meaux. Ce qui m’en a persuadé, c’est que la dernière fois que je travaillai avec lui, qui fut deux jours avant le retour de Marly à Versailles, et cinq ou six jours avant la maladie qui emporta la Dauphine, après une séance de plus de deux heures où il n’avoit point été question de l’affaire du cardinal de Noailles, il m’en parla comme nous serrions nos papiers, et cette conversation fut assez longue. Il m’y dit un mot bien remarquable. Louant la piété, la candeur, la douceur du cardinal de Noailles : « Jamais, ajouta-il, on ne me persuadera qu’il soit janséniste, » et s’étendit en preuves de son opinion.

Cette conversation finit par m’ordonner de m’instruire à fond de ce qui regarde les matières des libertés de l’Église gallicane, et à fond de l’affaire du cardinal de Noailles, que le roi lui avoit totalement renvoyée pour la finir, et à laquelle il travailloit beaucoup, qu’il la vouloit finir avec moi, et me recommanda à deux ou trois reprises de me mettre bien au fait de ces deux points, d’aller à Paris consulter qui je croirois