Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

morts enfants ; des filles abbesses, et une qui ne voulut point être religieuse, qu’on maria à Livry, premier maître d’hôtel du roi, pour s’en défaire. M. de Beauvilliers demeura seul de ce lit. Du second, deux fils dont l’aîné fut évêque-comte de Beauvois, l’autre duc de Saint-Aignan, comme on l’a vu en leur lieu, et une fille aussi romanesque que le père, mais en dévotion, qui épousa un fils de Marillac, conseiller d’État, tué avancé à la guerre sans enfants, puis M. de L’Aubépine, mon cousin germain, dont elle a un fils qui sert et qui est gendre du duc de Sully.

Je ne sais quel soin M. et Mme de Saint-Aignan prirent de leurs aînés. Pour M. de Beauvilliers, ils le laissèrent jusqu’à six ou sept ans à la merci de leur suisse, élevé dans sa loge, d’où ils l’envoyèrent à Notre-Dame de Cléry, en pension chez un chanoine, dont tous les canonicats étoient à la nomination de M. de Saint-Aignan. Ils ne sont pas gros. Tout le domestique du chanoine consistoit en une servante, qui mit le petit garçon coucher avec elle, lequel y couchoit encore à quatorze et quinze ans, sans penser à mal ni l’un ni l’autre, ni le chanoine s’aviser qu’il étoit un peu grand. La mort du comte de Seri le fit rappeler par son père, qui en même temps lui fit donner la survivance de sa charge, et remettre deux abbayes qu’il avoit. C’étoit tout à la fin de 1666. Il servit avec distinction à la tête de son régiment de cavalerie, et fut brigadier.

Il étoit grand, fort maigre, le visage long et coloré, un fort grand nez aquilin, la bouche enfoncée, des yeux d’esprit et perçants, le sourire agréable, l’air fort doux, mais ordinairement fort sérieux et concentré. Il étoit né vif, bouillant, emporté, aimant tous les plaisirs. Beaucoup d’esprit naturel, le sens extrêmement droit, une grande justesse, souvent trop de précision ; l’énonciation aisée, agréable, exacte, naturelle ; l’appréhension vive, le discernement bon, une sagesse singulière, une prévoyance qui s’étendoit vastement, mais sans s’égarer ; une simplicité et une sagacité