Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/334

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faire le serment de pair de France, et à en prendre la séance. M. de Monaco étoit un étranger qui avoit passé toute sa vie chez lui parmi des Espagnols et des Italiens, qui n’avoit jamais habité en France, qui en ignoroit tout, et qui n’y avoit ni parents, ni amis, ni connoissances : M. d’Angoulême, avec son traité et le voisinage, lui en auroit pu donner davantage, [mais il] n’étoit point pair et n’en savoit pas plus que lui sur les séances du parlement. Cette compagnie n’en fit donc pas à deux fois ; elle le reçut aux sièges bas avant la petite audience du matin, avec un rapporteur qui rapporta ses lettres, ce qui est la forme de recevoir les conseillers. C’étoit une innovation bien hardie et bien étrange, et toutefois l’inapplication, l’ignorance, l’incurie étoit déjà telle que je ne sais si on s’en aperçut. Du moins M. de Monaco n’étoit pas pour s’en douter, et si d’autres purent le remarquer, la faiblesse et l’abandon fut tel aussi qu’on ne le releva pas.

Telle est la moderne époque de ce changement total de la réception des pairs au parlement. Les troubles et l’autorité de cette compagnie qui s’accroît toujours parmi les désordres, et la même faiblesse des pairs, continuèrent sans bruit cette façon nouvelle des réceptions, qui finalement s’est depuis soutenue jusqu’à aujourd’hui.

Les conquêtes que les parlements avoient faites devoient leur sembler assez belles pour s’en contenter. Ils avoient fait l’étrange innovation au serment des pairs qui a été expliquée, par laquelle ceux-ci s’avouoient conseillers de cour souveraine ; ils les avoient réduits pour leur réception à la parité avec les conseillers ; ils précédoient les princes du sang, par conséquent les pairs à la sortie de la séance des bas sièges, et l’occasion rare, jusqu’alors, en devenoit plus fréquente et plus solennelle depuis que les réceptions des pairs s’y faisoient. Enfin ils opinoient entre le roi et la reine régente, par conséquent avant elle, avant les fils de France, les princes du sang et les pairs. C’étoit avoir fait un beau chemin pour des légistes souffleurs du baronnage et