Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/64

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questions que de compliments, mais je fus froid et modeste, et je me contentai de répondre court que j’étois content, et, quand on l’est autant que je l’étois, cela est aisé à faire.

Comme le roi sortit, je lui fis ma révérence et mon remerciement. « Monsieur, me dit le roi, vous avez tout gagné, et je suis bien aise de vous avoir fait plaisir en faisant justice. » Comme je ne m’étois ni expliqué ni ouvert à pas une des questions qu’on m’avoit faites, les oreilles avoient été très attentives à la réponse du roi qui courut aussitôt de bouche en bouche, et nouveaux compliments. Je ne cachai plus que j’avois pleinement gagné, mais j’eus grand soin de continuer à être modeste, et de me dérober au monde qui se réjouissoit avec moi, peut-être avec chagrin, sûrement, au moins pour la plupart, sans y prendre la moindre part que celle de la curiosité de m’examiner.

M. de La Rochefoucauld fut outré et tout ce qui tenoit à lui. Quoiqu’il ne pût ignorer sa situation personnelle avec le roi, la faveur de son père l’avoit accoutumé à ne douter de rien de ce qui étoit affaire. Il n’avoit rien oublié sur celle-ci, jusqu’aux artifices les plus propres à entraîner le roi par l’intérêt d’une autorité qui étoit son idole, et il s’en étoit tout promis, au moins qu’à la cour la préséance lui demeureroit. Il alla donc chez le chancelier fort peu après que j’en fus sorti, qui me conta le lendemain qu’il en avoit essuyé d’étranges lamentations.

Deux jours après j’eus mon arrêt. Plus j’étois content, plus je voulus outrer les procédés honnêtes. J’allai à Paris, et je pris mon temps d’aller à l’hôtel de La Rochefoucauld, que je m’étois assuré de n’y trouver personne. Je leur fis dire que j’y étois allé pour le prier de ne pas trouver mauvais que je leur fisse signifier l’arrêt. Mme de La Rochefoucauld surtout étoit enragée ; ils auroient voulu au moins pouvoir crier sur les procédés L’arrêt fut signifié, puis enregistré au parlement et la contestation finie. Le commerce